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plaine du moyen Danube appartient bien, en majeure partie, à la race magyare, celle du bas fleuve à la race roumaine ; quant aux montagnes de la Transylvanie, au travers desquelles coulent les multiples affluens de la Tisza parmi les vignobles et les champs de maïs, elles forment le bastion commun des deux races. C’est là que les colons latins de la Dacie Trajane se sont abrités, dès la fin du IIIe siècle, contre le flot des invasions barbares, pour réapparaître ensuite en qualité de Roumains ; c’est aussi là que les Hongrois ont su maintenir l’État magyar, au XVIe et au XVIIe siècle, à la fois contre la conquête turque et contre les prétentions autrichiennes. Comme la Transylvanie domine par sa position les plaines du moyen et du bas Danube, celle des deux races qui en garde le contrôle devient forcément prépondérante dans cette région de l’Europe. S’il est vrai que les Roumains y sont plus nombreux que les Hongrois, même en ajoutant à ces derniers leurs congénères Sicules, le droit historique ne s’en est pas moins constamment exercé en faveur de la Hongrie, et la querelle pour la Transylvanie continue à diviser les deux peuples.

La poussée magyare s’est vigoureusement installée dans le bassin moyen du Danube ; mais sa force expansive était trop restreinte pour pénétrer effectivement jusqu’aux Alpes et aux Carpathes et y imposer autre chose que le principe de la domination hongroise. Aussi les Allemands empiètent-ils sur la plaine en descendant de la Styrie et de la Basse-Autriche ; leurs colons prospèrent encore dans le comté de Zips, le Banat et le sud de la Transylvanie. Les Croates débordent en Slavonie ; les Serbes ont franchi le Danube, il y a deux siècles, et partagent le Banat avec les Roumains. Au nord, les Slovaques, prolongement de la race tchèque, se développent au pied des aiguilles de rochers grisâtres, qui émergent des forêts de sapins de la Tatra. Plus loin, un petit groupe ruthène est venu, au XIVe siècle, prendre, dans le comitat de Maramaros, la place abandonnée par l’émigration roumaine vers la Moldavie. Au moyen âge, les Tsiganes commencèrent à éparpiller, à travers tout le pays, leurs bandes musicales et vagabondes.

Les Roumains ont été plus heureux à leur descente des Carpathes ; leur race était assez compacte pour former, à l’unique exception des Tsiganes, un seul bloc ethnique dans les principautés ; à peine fut-elle pénétrée dans la suite par une mince coulée sicule, qui filtra dans la vallée du Séreth ; quant à la population