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« Les quatre dernières compagnies de chaque bataillon étaient conservées à 500 mètres en arrière. Elles formaient une ligne déployée sur un rang, occupant un front égal à la ligne de combat.

« Les réserves se tenaient à 1 500 ou 2 000 mètres de ces compagnies, les bataillons qui les composaient gardaient leur formation de marche en colonnes formées de compagnies déployées sur un rang avec intervalle entre chaque homme. Mais les distances entre les compagnies variaient sans cesse, donnant l’impression du jeu du soufflet d’un accordéon réglé par les accidens du sol. En dirigeant leur tir sur cette formation, les pointeurs ennemis devaient être déconcertés par l’imprécision du but rendu plus insaisissable encore en raison de la teinte khaki des vêtemens exactement fondue avec celle du veld.

« Ce tapis humain à large trame présentait sur toute son étendue une densité vulnérable également faible. Aucun point n’attirait plus spécialement l’attention, et le fractionnement de l’objectif réduit à l’état de poussière humaine produisait la dispersion et réduisait ainsi l’efficacité du feu.

« Si la seconde ligne empruntait son immunité à sa formation, la ligne de combat la tirait surtout du terrain. Les abris désorganisaient toute symétrie sur la ligne, réglaient les intervalles entre les groupes et les densités des tireurs. Escouades, sections, compagnies entières venaient se pelotonner derrière eux suivant leurs dimensions. Ils exerçaient une irrésistible fascination sur les hommes. Une attraction du même genre se produisait du groupe sur l’homme isolé.

« Ce dispositif était conservé jusqu’à une zone que, par un empirisme instinctif, fondé sur quelques indices, on estimait à environ 1 000 ou 800 mètres de l’adversaire.

« Ces indices, qui, à défaut de l’ennemi toujours invisible, guidaient dans l’appréciation de la distance, étaient les suivans :

Tout mouvement collectif sur la ligne de feu provoquait un redoublement de la fusillade ennemie.

Les hommes couchés ne toléraient plus, sans faire d’objections, la présence d’un voisin debout près d’eux, et les officiers devaient prendre la même position que les hommes.

Il devenait très difficile de recueillir les blessés et impossible de les transporter sans attirer sur le groupe une grêle de balles.