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Le 15 mars 1901, lord Wolseley disait à la Chambre des lords : « J’avoue en toute franchise que, d’accord avec tous ceux qui ont émis une opinion sur cette question, j’ai estimé au-dessous de leur véritable valeur les qualités militaires individuelles des Boers. »

Mais personne ne voulait se rendre compte que le nouveau fusil à répétition, à poudre sans fumée, manié par des tireurs de sang-froid, avait une puissance insoupçonnée jusqu’alors. Pour s’en convaincre, il fallut d’autres revers. Aussi voit-on les mêmes procédés amener les mêmes défaites. Elles se produisirent le 23 novembre à Belmont, le 25 novembre à Euslin, le 29 novembre sur la Modder-River, où la division de lord Methuen, en marche pour débloquer Kimberley procède par attaques directes. L’infanterie se fixe sur l’objectif qui est en face d’elle, s’immobilise dans ses formations, et se fait détruire.

Plus tard, ce sont les désastres de Maggersfontein, Stromberg et Colenso. Les troupes se heurtent à l’ennemi sans avoir éclairé leur situation par un combat de reconnaissance. Elles emploient des formations profondes, formées de panneaux successifs qui recueillent tout le plomb envoyé par l’adversaire. A Colenso (16 décembre 1899), dans l’attaque de l’Ouest, la brigade d’infanterie se porte en avant en colonnes de masses. L’artillerie ouvre le feu à 4 000 mètres. L’infanterie s’avance avec un bataillon en première ligne déployée, les trois autres bataillons en réserve. Les trois compagnies de la brigade de tête (Dublin fusiliers) ont chacune un peloton en tirailleurs, les trois autres sont en soutien.

Derrière, suivent les trois autres bataillons, Connaught-Rangers, Inniskillings et Borders. Les Boers ont envoyé quelques obus, mais réservent leur feu de mousqueterie. Sans tirer, ils laissent approcher jusqu’à 1 200 mètres. Alors, ensemble, ils ouvrent le feu. Les Connaught-Rangers ont ordre de se déployer à droite des Dublin. Naturellement, sous cette violente fusillade, ils ne peuvent pas appuyer et vont se fondre dans les Dublin. Les Inniskilling, qui devaient marcher à la droite des Connaught, sont saisis par le feu et cloués en arrière. Les Borders ne peuvent plus avancer. L’affaire, commencée à 5 h. 40, est finie à 10 heures. Les troupes se replient. De nombreuses fractions ne peuvent même pas se retirer des abris. Elles y restent couchées, et, à la fin du combat, sont forcées de se rendre.