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frappés. Alors, leur ligne fléchit, les hommes en réserve furent portés en avant ; ils durent reculer malgré les efforts de leurs officiers. Soudain, ils furent pris en flanc par le feu venant d’un piton rocheux qu’ils n’avaient pas occupé et qu’un détachement boer avait gravi. Un instant après, il en était de même sur l’autre flanc. À ce moment, les Boers tiraient dans le dos des hommes couchés. Le général Colley fut tué ainsi que 50 hommes. Le reste fut blessé ou pris. Les Boers, grâce à leur tactique, n’avaient eu qu’un tué et 6 blessés.

Ces résultats remarquables furent naturellement commentés, mais seulement au point de vue des fautes du commandement anglais. On ne voulut pas encore croire à une évolution dans les procédés de combat, et les troupes engagées en 1899-1900 firent usage de leur ancienne tactique. Elle leur coûta cher.

Un autre côté important de cette campagne de 1881 fut que les Boers prirent sur les Anglais une supériorité morale considérable. Leur tir précis, qu’un grand sang-froid rend toujours efficace, en faisait les adversaires redoutés pour des troupes exposées au feu dans des formations serrées réglementaires et qui n’utilisaient pas suffisamment le terrain pour dérober leur marche.

C’est dans ces dispositions morales que la déclaration de guerre, au 6 octobre 1899, trouva les deux partis.

Ce sont leurs qualités de chasseurs qui ont le mieux servi les Boers. Au point de vue européen, leur instruction militaire était à peu près nulle, sauf pour une partie de l’artillerie et quelques troupes de police, entretenues en tout temps. Mais, n’étant pas embarrassés par le lourd bagage des vieilles formules, sachant tenir la campagne et tirer juste, ils ont résolu les questions avec leur bon sens et, la plupart du temps, avec intelligence. Ainsi, en ce qui concerne la fortification de campagne, ils se sont servis de tracés et de profils nouveaux, abritant fort bien du tir fusant des obus à balles ainsi que des obus torpilles. Pendant de longs mois, ils en ont fait grand usage. Leur guerre, offensive au point de vue stratégique, a été tactiquement défensive. Dans les sièges, ils se sont contentés d’envelopper d’ouvrages les villes qu’ils attaquaient et de défendre des tranchées pour s’opposer aux tentatives de secours. Ce n’est qu’au bout d’un an que les commandos aguerris sont sortis de leur défensive passive, pour faire cette guerre de partisans, toute de mouvement.