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gaz et de vapeurs. La lave, soulevée à l’état de poussière liquide, se refroidit dans l’air, et retombe à l’état solide. En un mot, la cheminée du volcan fonctionne, à cet égard, comme un gigantesque pulvérisateur.

La Martinique est une île purement volcanique comme toutes celles, d’ailleurs, qui forment la bordure interne du bassin circulaire des Antilles. Elle s’est formée à partir du sol marin qui lui sert de socle, par une série ininterrompue d’éruptions qui se sont produites au début de la période géologique actuelle. C’est donc un volcan récent. On y reconnaît un groupement de six cratères. Le cratère principal est celui de la Montagne Pelée, qui s’élève à 1 350 mètres dans la partie Nord-Ouest.

Depuis la découverte et l’occupation de l’île jusqu’à l’année 1851, aucune éruption ne s’était produite, le volcan était considéré comme définitivement éteint. Ce n’est pas que la tranquillité régnât sur ce sol tourmenté. Tous les autres genres de cataclysmes, cyclones, ras de marée, secousses sismiques, n’ont cessé de fondre sur lui. L’île a été agitée par une multitude de tremblemens de terre. Celui de 1766 fut le plus terrible : il amena la destruction de 80 navires et fit périr plus de 500 personnes. Le tremblement de 1839 renversa la moitié des maisons à Fort-de-France, engloutit l’hôpital militaire et fit 400 victimes. Les cataclysmes moins graves sont innombrables. Mais jusqu’en 1851, le volcan de la Montagne Pelée était resté silencieux. Le 5 août 1851, pour la première fois, il entra en action. Contrairement à ce que l’on croit être la règle pour les éruptions qui se sont fait longtemps attendre, celle-ci n’eut aucune gravité. Elle couvrit seulement Saint-Pierre de cendres grisâtres. L’éruption actuelle est la seconde. Après une série de phénomènes préparatoires, le volcan commença à sortir de sa torpeur, le mercredi 23 avril à 9 heures du soir. Une forte détonation souterraine se fit entendre et des nuages d’une vapeur noirâtre surgirent du flanc occidental de la montagne. Un cratère s’était ouvert de ce côté, à 600 mètres d’altitude et livrait passage à des cendres, à des vapeurs, et à une sorte de coulée boueuse qui se déversait dans la mer en empruntant le lit d’une rivière de cette région, la rivière Blanche.

A dater de ce moment nous ne savons rien que nos lecteurs n’aient eux-mêmes appris au jour le jour par la presse quotidienne. Jusqu’au 8 mai, l’allure du phénomène éruptif resta parfaitement régulière. La commission technique réunie le 7 mai, au soir, dans l’hôtel de Tin-tendance, sous la présidence du gouverneur, en constatait le