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REVUE SCIENTIFIQUE

A PROPOS DE L’ÉRUPTION DES ANTILLES

La terrible catastrophe de la Martinique a provoqué une douleur et un deuil universels. Après le tribut de regrets émus accordé aux victimes et les secours distribués aux survivans, le moment est peut-être venu d’envisager dans son effrayante ampleur, non plus le désastre qui frappe l’humanité, mais le simple phénomène naturel, le cataclysme géologique. On voudrait en connaître les circonstances précises. Malheureusement, les documens nécessaires font défaut. On a seulement quelques relations très fragmentaires et très incomplètes, où l’on trouve plutôt le récit des impressions et des actes des auteurs que la narration objective des faits.

Nous ne possédons encore qu’un seul document parfaitement objectif et précis ; et il est, d’ailleurs, assez peu significatif. C’est un échantillon des cendres projetées par la Montagne Pelée. M. Michel Lévy les a analysées et il a rendu compte à l’Académie des Sciences des résultats de son examen. Cette cendre est une poussière extrêmement fine dont les grains varient de 1/20 de millimètre, limite de petitesse des objets visibles à l’œil nu, à 1/10 de millimètre. Leur composition chimique les classe parmi les andésites, les rhyolites et les basaltes, c’est-à-dire qu’on y trouve un mélange assez complet des minéraux neutres, acides et basiques qui entrent dans la constitution des diverses espèces de laves légères et lourdes. Si l’on admet que, dans la nappe en fusion d’où elles proviennent elles sont primitivement disposées par ordre de densité, il faudra en conclure que le volcan s’alimente à des niveaux très différens de la masse ignée souterraine. La cheminée qui aboutit au cratère est remplie de ce magma fluide, fortement brassé, sans doute, par un abondant dégagement de