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les États interposés finissent par former entre eux une union solide ou que quelqu’un d’entre eux se trouve en mesure de dominer seul la route de l’Orient, du coup le germanisme perd, sinon l’usage, du moins le contrôle du Uberlandweg et doit subir des conditions, au lieu d’en dicter.

La diplomatie autrichienne, à laquelle incombe la besogne politique avec l’appui discret de l’Allemagne, a efficacement assuré jusqu’ici l’émiettement des États et des races parsemés sur le chemin de l’Orient. L’organisation économique, dont se charge la diplomatie allemande, est beaucoup plus délicate, et l’attitude de l’Autriche-Hongrie elle-même n’en constitue pas la moindre difficulté. A moins d’emprunter les chemins de fer russes et la voie un peu excentrique d’Odessa, toutes les routes de l’Europe centrale vers l’Orient traversent le territoire austro-hongrois ; à ce point de vue, il n’y aurait que la mer susceptible d’assurer la complète indépendance de l’Allemagne. Or, si la crainte de la Russie est pour la monarchie dualiste le commencement de la sagesse allemande, il s’en faut de beaucoup qu’elle soit aussi docile comme associée économique que comme alliée politique. D’ailleurs, l’Autriche-Hongrie constitue, en réalité, deux domaines économiques distincts, réunis par un Zoll-und Handelsbundniss renouvelable tous les dix ans, et chacun d’eux garde sur les chemins de fer la liberté des tarifs. Afin de s’assurer la route de l’Orient, l’Allemagne doit donc s’entendre au préalable avec un double geschæftsfreund dont l’un, le Hongrois, représente dans l’association beaucoup plus de raideur et d’autorité que l’Autrichien. A vrai dire, les rapports commerciaux austro-allemands sont influencés par les tendances protectionnistes des deux États ; mais ce sont surtout les questions de chemins de fer qui sont de nature à affecter le transit allemand.

La Cisleithanie est guidée par une tendance naturelle à combiner ses tarifs de façon à favoriser sa propre exportation vers le Levant, au détriment de la concurrence industrielle allemande ; de son côté, la Hongrie cherche, non seulement à soutenir son industrie, mais encore à entraver vers l’Europe centrale la concurrence agricole des pays balkaniques. Si une guerre douanière vient à éclater avec quelqu’un de ces pays, l’Autriche est naturellement tentée de la rendre plus efficace, en barrant le transit allemand ; elle a, du reste, un souci permanent de s’opposer le plus possible aux conventions spéciales de tarifs, qui se négocient