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inconvéniens en sont multiples. Malgré les travaux de régularisation entrepris, la navigation y reste difficile et coûteuse ; les froids de l’hiver ou l’insuffisance de l’étiage l’interrompent périodiquement ; le canal des Portes-de-Fer soulève de nombreuses critiques. Dans ces conditions, le Rhin et l’Elbe font au haut du fleuve une concurrence redoutable, le mouvement des ports de Passau et de Ratisbonne est restreint ; celui de Pesth, dans le bassin moyen, ceux de Braïla et de Galatz sur le Bas-Danube ont seuls quelque importance ; enfin la Mer-Noire, dans laquelle il se jette, est un véritable cul-de-sac. Aussi le Danube semble-t-il simplement destiné à un commerce local, et le transit allemand vers le bas fleuve n’y peut-il être attiré que par la faveur des tarifs.

Il en résulte que les voies ferrées paraissent le mieux en mesure d’assurer définitivement les communications du germanisme avec le Levant, et qu’au premier aspect, la question d’Orient se présentait pour l’Allemagne comme une question de chemins de fer, une Orientbahnfrage.

Deux routes principales déjà établies traversent l’Europe centrale pour atteindre l’Orient : 1° celle de la Hongrie et de la Serbie vers Constantinople et Salonique par Pesth, Belgrade et Nisch ; 2° celle de la Galicie et de la Roumanie vers la Mer-Noire par Breslau, Léopol et la Moldavie. Diverses lignes ont été projetées pour doubler chacune de ces routes : l’une de Sérajewo vers Mitrowitza, qui, par la Bosnie, éviterait le territoire serbe ; deux lignes parallèles en Bulgarie, réunissant le Danube à l’Archipel et à Constantinople ; enfin, un raccordement des réseaux russe et roumain entre Dorohoï et Nowoselitza, permettant de contourner la frontière autrichienne. Toutes ces lignes une fois construites, le germanisme posséderait vers l’Orient son réseau complet de chemins de fer.

Si la pénétration allemande doit rechercher un système aussi varié de voies concurrentes, c’est qu’il lui importe d’éviter toute dépendance à l’égard de l’un quelconque des pays interposés entre l’Allemagne et l’Orient. De même que l’opposition des races est appelée à consolider l’hégémonie germanique, dans le domaine à la fois politique et cultural c’est la lutte des intérêts qui doit ouvrir de nouveaux marchés au commerce allemand, en le favorisant par des traités de commerce et des concessions de tarifs de chemins de fer (Gütertarifverbande). Que, par impossible,