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les femmes de deux chefs d’état. Rien de plus différent, au Salon de 1902 que les portraits des deux présidentes Mme Roosevelt et Mme Loubet. Dans celui de Mme Roosevelt, si peu officiel, où, seul, un bout de colonnade ronde et blanche rappelle comme dans le portrait de Marie-Antoinette, par Westmuller, qu’il y a, aux environs, un palais, toute l’élégance, la liberté, la décision simple et tranquille des femmes des portraits d’Hoppner, de Reynolds et de Lawrence, se retrouvent. Les tons très clairs jouent dans une gamme d’une harmonie parfaite et les lignes multiples de la toilette tendent toutes à cette même expression, à travers leur fouillis d’une incomparable adresse comme une série de phrases sous des formes différentes, se rejoignant dans l’expression d’une même pensée.

Cette science du rythme dans les plis qui enveloppent toute une figure est portée au plus haut point chez M. Caro-Delvaille, dans sa Dame à l’hortensia et s’unit à une exquise finesse de tons et à d’imperceptibles transitions entre les différens gris, roses et noirs. Depuis longtemps, on n’avait vu, dans cette gamme très difficile à manier, une subtilité pareille et depuis les jours lointains déjà où M. Whistler peignait la Femme en blanc, ces humbles couleurs : le gris, le blanc et le noir, n’avaient été observées par un œil aussi pénétrant.


III

« L’amour-propre est naturel à l’homme, mais surtout à la femme ; car il n’y en a point qui se fasse peindre qui ne se croie fort digne de cet honneur ; d’autant plus que c’est souvent à la réquisition et à la prière de quelque autre personne qu’elles sont peintes. Mais ce n’est pas là tout encore ; car, quand même elles possèdent quelque beauté, elles ne s’en contentent pas, et veulent toujours qu’on y ajoute quelque grâce nouvelle et qu’on expose leurs charmes sous le jour le plus favorable ; malheur donc au peintre qui ne remplit pas entièrement leur attente ! »

Ainsi gémissait, en 1690, le bon Gérard de Lairesse, dans son Grand livre des peintres, et peut-être les choses n’ont-elles pas beaucoup changé. Aussi, après avoir examiné quels sont les devoirs du portraitiste, ce sont les devoirs du modèle qu’il serait peut-être plus utile encore de définir : « Voilà le tableau que nous avons peint nous deux, » disait un jour au peintre ordinaire du