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retrouverons tout à l’heure ces trois étapes du héros. Mais le voici en bas de la ville ; il pénètre dans l’isthme ; il admire les deux ports et les vaisseaux tirés à sec, l’agora et les hautes murailles des Phéaciens.

Toujours drapé dans son nuage, Ulysse monte au palais d’Alkinoos. Il y trouve l’hospitalité. Le lendemain, Alkinoos le mène à l’agora et à l’assemblée des Phéaciens qui se tient auprès des vaisseaux. Les voici qui redescendent vers l’isthme et vont s’asseoir sur les pierres polies. L’assemblée se tient là, entre les deux ports. On décide de mettre un navire à flot et de l’armer pour reconduire Ulysse. L’équipage saute dans le sable, tire le navire à la mer, attache les rames aux tolets et sort le vaisseau du port : ils le mouillent en dehors du goulet, en haute mer, vers le Sud-Est, ἐν νοτίῳ (en notiô). Les Instructions nautiques disent : « Les deux ports Alipa et San-Spiridione, ouverts au Sud, sont accessibles seulement aux caboteurs et aux bateaux de pêche. » Nos matelots sortent donc vers le Sud-Est et ils mouillent leur bateau dans la partie Sud-Est, ἐν νοτίῳ (en notiô), à l’endroit où la brise de terre, qui se lève de nuit, pourra les pousser en haute mer. Puis ils laissent quelques hommes de garde à bord ; les autres débarquent et gravissent le soulier, qui, parti de l’extrême promontoire Sud, grimpe jusqu’à la ville par la façade maritime. Ils reviennent par ce chemin au palais d’Alkinoos prendre leur part de réjouissances. Ulysse et Alkinoos, pendant cette manœuvre, sont remontés de l’agora jusqu’au palais, à travers les ruelles de la ville qui couvrent l’autre façade du rocher. Tous les seigneurs et notables armateurs de Phéacie les accompagnent. On rentre au palais. On y retrouve bientôt l’équipage du bateau, dont les hommes ont grimpé le sentier de la falaise. On rôtit douze moutons, huit cochons et deux bœufs. On fait l’un de ces festins pantagruéliques auxquels s’habituent les estomacs des marins à terre. On boit. On chante. Puis tous redescendent, à travers les ruelles de la ville, jusqu’à l’agora. Le peuple fait cortège. Les jeux commencent auprès de l’agora, dans la plaine de l’isthme : « Là s’étendait, depuis la borne, un champ de courses, et tous ensemble volaient rapidement en remplissant la plaine de poussière. » Puis on envoie chercher la lyre, que Démodokos a laissée en haut, dans le palais, et l’on se met à danser « sur la terre nourricière, » dans les olivettes du bas.

On remonte ensuite au palais d’Alkinoos où les laquais apportent les présens que chacun des douze rois de Phéacie offre au noble étranger. On fait un nouveau festin, après lequel Ulysse entreprend le récit de ses aventures. La nuit vient ; mais l’auditoire charmé ne veut pas aller dormir avant la fin de ce récit… Le départ est remis au lendemain. Alkinoos décide alors que chaque roi donnera encore à Ulysse un grand trépied et un bassin. Puis tous vont se coucher. Le lendemain chacun apporte son trépied au vaisseau ; ils dégringolent tous par le sentier de la falaise jusqu’au vaisseau mouillé au bord de la pleine mer, sous l’extrême promontoire. La descente est rapide et ils sont vite arrivés, avec leur charge de bronze. Alkinoos est venu en personne : c’est lui qui fait arrimer ces objets encombrans sous les bancs des rameurs. Ensuite tous, par le même sentier, remontent au palais où l’on passe la journée en festins et en musique. Ulysse ne partira que le soir, après le coucher du soleil, au lever de la brise de terre.

Quand le soleil tombe à l’horizon, ou échange les toasts. Ulysse porte la