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l’Ourcq, dont la création fut décidée en 1802, mais qui ne fut commencé qu’en 1808. L’eau de l’Ourcq est amenée des environs de Soissons par une dérivation de la rivière, canalisée sur 11 kilomètres, entre le port aux Perches et le déversoir de Marouil, où commence le canal proprement dit, qui a environ 90 kilomètres de longueur. Ce canal aboutit au bassin de la Villette. De là, l’eau était dirigée par un aqueduc dit de ceinture au réservoir Monceau, démoli tout dernièrement. Le canal fut mis en service seulement en 1823.

Dès 1850, la situation, un moment supportable grâce à ces eaux de l’Ourcq, était devenue intolérable, dangereuse pour la santé publique. C’est alors qu’on envisagea la possibilité de dériver des eaux de sources plus ou moins éloignées ; mais ce ne fut que quatre ans plus tard que le principe fut adopté.

En 1854, à la suite des études de l’ingénieur Belgrand, — qui a été un véritable bienfaiteur de Paris, — le principe sur lequel repose le système actuel de la distribution des eaux fut admis par la commission qui tenait lieu de Conseil municipal. Il consiste à assurer partout à l’aide de deux canalisations distinctes, le service des particuliers en eau pure, tirée des sources captées au loin, et le service public et industriel en eau de rivière ou de puits artésiens.

Déjà à cette époque, le canal de l’Ourcq, dont Napoléon espérait de si grands bienfaits, utilisé pour la navigation et souillé sur tout son parcours, ne pouvait plus fournir d’eau limpide et salubre.

Il est intéressant de constater que la magistrale conception de la double alimentation, qui marqua pour Paris un progrès notable dans l’hygiène publique, n’est qu’un retour aux idées édilitaires romaines.

Belgrand, né dans l’Aube en 1809, fut, à sa sortie de l’Ecole des ponts et chaussées, ingénieur à Montbaril, dans la Côte-d’Or ; puis à Sens, dans l’Yonne. À la fois bon latiniste et excellent mathématicien, énergique et tenace, observateur et actif, il créa la science de l’hydrologie. Dès ses premiers travaux de jeune ingénieur, il aperçut l’importance prédominante de la constitution géologique du sol sur le régime des eaux.

À Sens, la recherche des vestiges de l’aqueduc romain l’amena à l’étude des principes adoptés par les grands organisateurs de l’ancien monde pour leurs services des eaux en Gaule et à Home. Ces principes, il les fit siens, et sut magistralement, les appliquer.