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en 1837, au moment où l’on rachète les concessions pour ébaucher un service public, on ne trouve que 310 distributions à domicile. Les puits, la Seine et la Bièvre alimentaient alors les Parisiens, sans doute plus rebelles aux microbes que leurs descendans. Au milieu du siècle, le volume d’eau distribué à Paris en vingt-quatre heures ne s’élevait pas à plus de 1500 ou 1600 mètres cubes, c’est-à-dire un peu moins que ne consomme à présent un de nos grands caravansérails parisiens. On buvait peu d’eau, et on n’en usait qu’une petite quantité pour les soins de la toilette.

La plus ancienne concession d’eau pour des bains publics remonte à 1730. Les souvenirs légendaires des mœurs des habitués païens des thermes antiques avaient inculqué aux pieuses générations, du moyen âge l’horreur des ablutions. La première concession, du début du XVIIIe siècle, ne permettait pas de fournir plus de trois à quatre bains par jour. Aussi le prix d’un bain était-il de six à douze livres, et les profits de la corporation, assez mal famée, des barbiers-étuvistes avaient-ils bien d’autres causes que la préparation des bains.

Il est juste de dire, à la décharge de nos pères, que Paris se trouve, quant aux eaux distribuables, dans une très mauvaise situation géologique : l’eau du fleuve lui arrive polluée ; les eaux souterraines, aisées à atteindre en forant des puits, sont impropres aux usages domestiques ; et celles des petites sources voisines sont encore d’une qualité inférieure.

Néanmoins la possibilité de se procurer de l’eau à peu près buvable à l’aide de puits peu profonds a certainement été l’une des causes du développement plus rapide de la capitale sur la rive droite de la Seine. De ce côté, Paris a facilement franchi l’enceinte de ses premiers remparts. Il s’étendait déjà, sous Louis XIII, jusqu’à la ligne des grands boulevards, tandis que, sur la rive gauche, à cause de l’impossibilité de se procurer de l’eau, il restait confiné dans l’enceinte de Philippe-Auguste.

La grande pénurie d’eau sur la rive gauche ne fut atténuée qu’après la reconstruction du vieil aqueduc gallo-romain d’Arcueil par Marie de Médicis, en vue de son installation au palais du Luxembourg.

L’alimentation de Paris resta déplorable jusqu’à Napoléon Ier, qui résolut de la transformer par l’établissement du canal de