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Meudon, après lesquels il emmenait la Duchesse de Bourgogne et les dames à l’Opéra, et des représentations dramatiques organisées par la Duchesse du Maine à Clagny, « où M. du Maine, qui en sentoit le parfait ridicule et le poids de l’extrême dépense, ne laissoit pas d’être assis au coin de la porte et d’en faire les honneurs[1]. » Hochstædt, Ramillies, Turin, semblaient oubliés, et nul ne doutait que cette année qui s’ouvrait si gaiement ne marquât la fin des malheurs de la France.

Il fallait cependant, en vue de la reprise d’hostilités qu’amenait toujours le printemps, pourvoir au commandement des armées. Chaque armée se disloquant en effet à l’entrée de la mauvaise saison pour s’établir dans ses quartiers d’hiver, la question se posait tous les ans de savoir qui en reprendrait le commandement au moment du rassemblement. L’année précédente, Berwick avait commandé en Espagne, Tessé en Dauphiné, Villars sur le Rhône, l’électeur de Bavière et Vendôme en Flandre. Au commencement de cette année 1708, le Roi apporta d’assez importans changemens dans la répartition des commandemens. Villars, à son grand mécontentement, fut rappelé de l’armée du Rhin où il avait peut-être un peu abusé de la permission que lui avait accordée le Roi « d’engraisser son veau, » et il alla remplacer Tessé en Dauphiné. Le Duc d’Orléans fut envoyé en Espagne pour remplacer Berwick, qui venait prendre la place de Villars. Il devait servir sous les ordres de l’électeur de Bavière, qui, contre son gré également, et moyennant un dédommagement de 800 000 livres qu’il arrivait à extorquer, acceptait d’abandonner son vicariat des Pays-Bas, où il commandait au nom du roi d’Espagne. Il avait fallu, en effet, faire place nette et éviter tout conflit d’autorité en Flandre, où le duc de Vendôme était maintenu, mais où le Duc de Bourgogne allait prendre le commandement nominal de l’armée. Cette grosse nouvelle, dont on s’entretenait depuis quelque temps à la Cour, ne fut officielle que le 30 avril. « Le 30, après dîner, dit Sourches, comme le Roi revenoit de courir le cerf,… il alla chez la Duchesse de Bourgogne, à laquelle il apprit que le Duc, son mari, partiroit le 14 de mai avec le Duc de Berry, son frère, pour aller commander en Flandre, où il auroit sous lui le duc de Vendôme[2] ; » et Dangeau ajoute : « Les deux princes ont une joie

  1. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XV, p. 350.
  2. Sourches, t. XI, p. 72.