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La Cour cependant s’attriste sous les coups répétés du malheur. En 1704, la défaite de Hochstædt n’avait pas interrompu les fêtes données en l’honneur de la naissance du premier enfant de la Duchesse de Bourgogne. Il n’en fut pas de même (le premier Duc de Bretagne étant mort en bas âge) à la naissance du second, qui vint au monde le 8 janvier 1707. Le Roi défendit à Paris et à Versailles « toutes les dépenses extraordinaires qu’on avait faites en réjouissance du premier Duc de Bretagne et qui avoient été excessives. » « Il veut, ajoute Dangeau, que la joie des peuples ne se traduise que par leurs prières[1]. » Depuis quelque temps déjà, Louis XIV se préoccupait d’économies, et il avait enjoint au duc de La Rochefoucauld, grand maître de la garde-robe et grand écuyer, de rechercher tous les retranchemens qu’on pourrait opérer dans sa garde-robe et dans sa petite écurie. Il avait donné les mêmes instructions à Mansart pour les bâtimens[2]. Déjà, depuis quelques années, il avait diminué les étrennes en louis d’or qu’il distribuait chaque premier janvier autour de lui. Cette même année, il en retrancha encore dix mille, et la « cascade, » comme dit Saint-Simon, en tomba jusque sur Mme de Montespan, qui vit réduire sa pension de douze mille louis d’or à huit mille. « Mme de Montespan n’en témoigna pas la moindre peine ; elle répondit qu’elle n’en étoit fâchée que pour les pauvres à qui, en effet, elle donnoit avec profusion[3]. »

L’année 1707 s’ouvrait donc tristement ; elle se continua mal. Les Français avaient été, l’année précédente, définitivement chassés du Nord de l’Italie. L’été venu, le duc de Savoie envahit la France par*le comté de Nice, et vint mettre le siège devant Toulon. Il ne trouvait devant lui pour lui tenir tête que le seul Tessé, meilleur négociateur que bon militaire, qui ne s’était pas fait grand honneur l’année précédente au siège de Barcelone. Peu s’en fallut que cette conjoncture difficile ne valût au Duc de Bourgogne la réalisation de ce rêve silencieusement caressé par lui : reparaître à l’armée. Le Roi avait, dès le commencement de l’année, pris son parti de le faire de nouveau servir. Nous savons, par une des lettres du Duc de Bourgogne à Philippe V, qu’au mois de mai, le commandement de l’armée qui allait opérer en Allemagne sous Villars lui avait été promis.

  1. Dangeau, t. XI. p. 280.
  2. Sourches, t. X, p. 216.
  3. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XIV, p. 246.