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grande puissance maritime et l’une des premières puissances militaires du monde ; c’est un inconvénient dont nous avons dû prendre l’habitude, puisque toute notre histoire nous a mis en contact avec l’Allemagne et l’Angleterre. Aucun fait ne saurait donc nous toucher davantage que le double phénomène de l’impérialisme et du pangermanisme ; il importe, pour en apprécier la portée, d’observer le caractère distinct et la force relatives de deux mouvemens parallèles, entraînant à nos côtés la race anglo-saxonne et la race germanique.

Rien ne fait mieux ressortir l’esprit purement pratique de l’Anglais et le penchant à l’imagination, formant un des aspects du génie allemand, que la manière différente dont la même doctrine a pris naissance dans les deux races. La théorie impériale n’est pas née en Angleterre après Waterloo ; elle s’est formée peu à peu avec les progrès de l’Empire britannique ; elle a grandi avec les événemens, attendant sans impatience l’achèvement presque complet de l’œuvre, avant d’adopter une formule définitive. Conçue et propagée par des gens d’action, artisans de la grandeur impériale, elle a réagi sur la métropole des extrémités de l’Empire. C’est, au contraire, la victoire de Sedan qui, en inspirant à l’Allemagne l’ambition d’occuper le Vorrang en Europe, a fait brusquement fructifier dans les cervelles allemandes la semence du pangermanisme. Retardée par le souci de fortifier le nouvel Empire allemand contre l’idée française de la revanche, l’efflorescence dut attendre pour se produire les garanties de stabilité continentale fournies par l’alliance franco-russe, et l’impulsion plus vive imprimée au germanisme par l’empereur Guillaume II. Ce sont des écrivains et des penseurs, qui ont créé de toutes pièces la formule pangermanique et qui, de la métropole, s’efforcent d’y gagner les membres dispersés de la race allemande. La théorie est déjà complète, et pourtant le pangermanisme n’a pas encore de forme précise ; à peine distingue-t-on, à travers le monde, le jalonnement incertain de son domaine.

Il tombe sous le sens que le pangermanisme ne saurait disposer d’une base matérielle aussi large que l’impérialisme britannique afin d’y édifier la grandeur nationale. La race allemande peut, il est vrai, essaimer sur l’univers un excédent considérable de population, et c’est à son actif, dans la lutte pour l’Empire, un réel avantage sur la race anglo-saxonne. C’est d’ailleurs