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prébendier de Mersebourg (Westphalie). Ses idées politiques n’étaient guère compliquées : opposer la croisade des rois à la croisade des peuples ; les souverains devaient s’entendre pour renverser le même jour d’un vigoureux coup de pied leurs ridicules constitutions et chasser leurs Chambres insolentes ; il n’y avait qu’un seul moyen pratique, la guerre, et la guerre chez les autres. « On part à la tête de son armée et on va prendre chez ses voisins ce qu’il faut à son armée et à son pays. Cela s’est fait de tout temps, et c’est le seul moyen de ramener en Allemagne l’ordre et le repos. » Il vivait dans une retraite presque impénétrable, ce qui augmentait son prestige sur le Moi, dont il était le conseiller irresponsable, presque toujours écouté. Roon avait fini par s’impatienter de la lu telle qu’il prétendait exercer sur lui. Manteuffel le sentit et demanda lui-même un commandement dans le Sleswig, que le Roi, habitué à lui, eut grande peine à lui accorder.

En prenant possession de son commandement, il notifia dans un discours aux employés sleswigeois, que l’heure de la marée attendue par Bismarck n’arriverait jamais. « Quiconque nourrit la pensée d’une cession de territoire commet une offense envers le Sleswig-Holstein, et sera, en quelque sorte, coupable de trahison envers ce pays. Les soldats de mon Roi ont pris Düppel et Als au prix de leur sang. Ils y construisent, aujourd’hui, avec leurs bras, des ouvrages de fortification qui leur permettront de défendre le pays jusqu’aux confins de la Königsau. Pour moi, je couvre de mon corps chaque espace de terre de sept pieds, avant de souffrir qu’il soit cédé. Le second point sur lequel il importe d’appeler votre attention concerne la population mixte des districts du Nord : les habitans de nationalité allemande et danoise sont dans des positions hostiles les uns envers les autres. Je viens d’un pays où Albert l’Ours a fait prendre racine à l’élément germanique, et d’où l’Aigle a pris son vol pour le porter jusqu’au bord de la mer. C’est dans ce cercle que tournent sans cesse mes pensées. Mais l’Etat de Brandebourg n’aurait jamais atteint au degré de grandeur et de puissance où nous le voyons aujourd’hui, s’il n’avait pratiqué la justice envers ceux qui différent de foi et de langue. C’est donc la justice que les Allemands et les Danois doivent pratiquer les uns envers les autres. Entre les deux races, ce sera une lutte d’intelligence et de civilisation. Et celle qui l’aura emporté sur l’autre se montrera