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sleswigo-holsteinois, mais que cette neutralité n’était nullement assurée quand la guerre prendrait plus d’extension. — « Vous avez rendu un grand service à votre pays, dit l’Empereur, en écartant toutes les illusions à ce sujet, car je ne pouvais pas nie lier d’avance, m’engager à ne rien demander quoi qu’il pût arriver. Ecrivez à M. de Bismarck qu’au cas d’une guerre entre la Prusse et l’Autriche j’aurais observé une neutralité bienveillante, mais que je suis surpris, très surpris de ce qui est arrivé. »


VII

Le mécontentement que l’Empereur avait manifesté à Goltz ne troubla guère Bismarck. Il répondit philosophiquement à son ambassadeur : « La pénible impression de Napoléon a étonné le Roi. Quel peut en être le motif ? Désirait-il notre rupture avec l’Autriche ? Cela devrait nous rendre doublement défians (1er septembre 1865). »

Dans ses premières conversations avec Lefebvre de Béhaine (du 9 au 12 septembre 1865), après son retour à Berlin[1], ignorant encore la circulaire de Drouyn de Lhuys, ne connaissant que les articles des journaux français ennemis de l’Allemagne, il s’expliqua familièrement et librement comme on fait avec un ami : — Il regrettait que la convention eût donné matière en France à des interprétations sévères. Il ne retirait aucune des déclarations qu’il avait faites plusieurs fois sur les Danois du Sleswig. Il désirait être le plus tôt possible en mesure de satisfaire à nos demandes en leur faveur : « La Prusse n’a nul besoin des districts purement danois du Sleswig du Nord. Une fois que nous aurons trouvé et fixé une bonne ligne de défense, rien ne nous serait plus agréable que de pouvoir, en nous entamant un bout de l’orteil, nous débarrasser, en les restituant au Danemark, de populations hostiles à l’Allemagne, et qui nous attireraient des difficultés que ne balancerait aucun avantage sérieux. » — Seulement, pour en arriver là, il a besoin d’être secondé par les circonstances propices. Il espérait qu’à l’aide d’une crise survenant dans la situation générale de l’Europe, le roi Guillaume pourrait, sur ce point en même temps que sur plusieurs autres, adhérer à des combinaisons que l’esprit public en Allemagne ne

  1. Il y était rentré le 7 septembre.