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mutuelles des deux pays, disparût et fît place à cette disposition heureuse dont nous jouissons à présent. » Ainsi, dans le passé, c’était la défiance qui existait entre Vienne et Saint-Pétersbourg ; aujourd’hui c’est la confiance ; et on voit là un nouvel exemple de la faculté qu’ont les puissances qui appartiennent à un système d’alliances de s’entendre sur un point spécial avec celles qui se rattachent à l’autre. Le rapprochement qui s’est opéré entre l’Autriche et la Russie au sujet des Balkans ressemble beaucoup à celui qui a eu lieu entre la France et l’Italie au sujet de la Méditerranée, et nous nous félicitons du premier, comme le comte Goluchowski se félicite du second. Toute l’Europe, en effet, désire que la tranquillité des Balkans soit maintenue. Courrait-elle par hasard des risques en ce moment ? Le discours aux Délégations laisse à cet égard l’esprit un peu perplexe.

Il y a de l’irritation, presque de la colère, dans la façon dont le comte Goluchowski parle des Balkans. Heureusement les deux gouvernemens sont là, et leur accord est absolu. Mais, dit-il, « quelque sincère que soit leur zèle en vue d’éviter tout ce qui pourrait entraver le maintien de la paix, on ne peut pas oublier d’autre part que les buts de leur politique se trouvent en opposition grave avec les aspirations d’un groupe d’élémens louches qui font métier de pêcher en eau trouble, et qui ne reculent devant aucun effort pour miner, au moyen de soupçons tendancieux, une entente qui, en dehors d’autres avantages, a celui de les contrecarrer. » On voit par la vigueur de cette attaque que ces élémens louches ne respectent rien : non seulement ils agissent dans un sens dangereux, mais encore ils osent insinuer que l’entente austro-russe n’est peut-être pas aussi complète ni aussi solide qu’on l’imagine. C’est évidemment le dernier degré de la perversité. Nous ne rechercherons pas de quoi et de qui veut parler le ministre autrichien : il est probable que le Comité macédonien, qui a été si souvent pris à partie depuis quelque temps, est la principale cause de ses inquiétudes. L’action de ce comité est incontestablement révolutionnaire ; elle rappelle à s’y tromper celle qu’on a vue s’exercer autrefois en Italie, en Allemagne, et à diverses reprises dans les Balkans eux-mêmes. Ses procédés n’ont rien d’original ni de nouveau. Il faut s’en préoccuper sans doute, et nous croyons avec le comte Goluchowski que « ce serait s’abandonnera un optimisme injustifiable et se tromper soi-même, si on voulait repousser l’opinion que la situation dans les Balkans laisse toujours beaucoup à désirer, » Nous ne repoussons pas cette opinion : mais nous continuons de croire qu’aussi longtemps que l’accord austro-russe subsistera dans