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traité d’alliance, nous y comprenons tous les arrangemens annexes qui lui donnent sa valeur pratique. C’est une croyance très générale qu’il y a là des clauses dont le caractère agressif à notre égard n’est pas douteux. Qu’on les y ait insérées à un moment où la politique italienne s’inspirait de préoccupations aujourd’hui dissipées, cela s’explique ; mais qu’elles y soient maintenues, maintenant qu’un autre esprit a prévalu à Rome comme à Paris, cela ne s’expliquerait plus. L’Italie est libre sans doute, comme nous le sommes nous-mêmes. Toutefois, lorsqu’on a adopté une politique, il est naturel de croire qu’on en a prévu les conséquences et qu’on les a admises. Mais à quoi bon insister ? Le comte Goluchowski n’a parlé que pour son gouvernement. Si nous avons présenté quelques observations sur le côté italien de la question, c’est parce que la presse italienne elle-même en a donné l’exemple. Nous ne sommes pas les seuls à avoir remarqué ce qu’il y a eu d’un peu trop général, au moins en apparence, dans les intentions du discours aux Délégations. Et cela appelait les réserves que nous avons faites.

Au surplus, le comte Goluchowski a parfaitement défini le caractère des diverses alliances européennes, triple alliance d’un côté, double alliance de l’autre. « Érigée, a-t-il dit, sur une base d’intérêts parallèles, libre de tendances agressives, l’alUance éminemment conservatrice des puissances centrales de l’Europe continuera de poursuivre les buts sublimes et pacitiques auxquels elle doit son origine, avec une conûance d’autant plus ferme que, selon les déclarations compétentes données à maintes reprises sur les buts non moins pacifiques de l’alliance des deux puissances à elle opposée, eUe peut envisager ce groupement comme un complément précieux et favorable à sa propre tâche. » Le ministre austro-hongrois se félicite donc de l’existence de la double à côté de la triple Alliance : nous lui en donnons acte. Il approuve la création et l’action de l’une et de l’autre. « Ces actions en quelque sorte parallèles, dit-il, ont déjà porté des fruits prospères et s’éprouveront aussi bien dans l’avenir, d’autant plus que leur substance consiste pour chaque participant, non seulement dans la garantie de son état de possession, mais qu’il atteint au plus haut point la tendance à paralyser les contre-coups nuisibles des événemens qui peuvent arriver dans d’autres contrées. » Ainsi l’objet des alliances européennes est double. Les puissances commencent par se garantir leurs possessions actuelles ; puis elles portent plus loin leurs préoccupations. Des événemens qui se produisent quelquefois dans des contrées lointaines peuvent aA’oir pour elles