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l’Ondoyé, contemporain du baptême de la Russie sous Vladimir le Grand. D’apparence modeste, la tête nue, sans mitre, ce bon saint n’a d’autre parure que Je magnifique entourage d’orfèvrerie dont l’a doté la corporation des marchands de Moscou, infatigables bienfaiteurs de toutes les églises russes.

Après avoir baisé, dans leurs châsses d’argent, le corps du saint archevêque Macaire, jadis massacré par les Tatares, et la goutte du précieux sang de Notre Seigneur, et la particule de la vraie croix, et les os des Saints-Innocens, et les reliques de tous les abbés, moines et prélats, tant russes que grecs, morts en odeur de sainteté, qui peuplent pour eux un paradis où les accueilleront des élus de leur race, les pèlerins de plus en plus recueillis, visiteront les autres églises et couvens de Kiev, l’antique Saint-Cyrille, le non moins antique Saint-Michel, où se trouve le sarcophage ouvert de sainte Barbe, et l’image de l’Archange que l’empereur Alexandre Ier emportait avec lui à la guerre, et les débris de l’église deux fois reconstruite qui s’élève sur l’emplacement du temple de Péroun, le dieu du tonnerre. Ils n’auront pas oublié non plus en se rendant à la Lavra le petit édifice où s’effacent de vieilles fresques, la chapelle dite du Sauveur au bois de Bouleaux.

La cathédrale de Saint-Vladimir, achevée en 1896, sera beaucoup moins fréquentée. Elle fait grand honneur à l’art russe contemporain ; mais j’avoue que, comme ce peuple ignorant, je goûte peu le style byzantin modernisé. J’en dirais autant d’ailleurs des styles roman et gothique. Ici la lumière entre trop librement sous ces coupoles qui n’ont plus de mystère. Tout semble trop neuf, trop propre pour pouvoir subir le contact des haillons et des pieds nus. Les affligés ne trouvent nulle part aucun de ces coins pleins d’ombre et de poussière, où tremble la faible lumière d’un cierge, où languit une odeur évaporée d’encens, où semble s’être réfugiée l’âme du passé, où se cache en un mot aux profanes ce qui ne meurt pas, ce que laisse derrière elle de touchant et de sacré la vénération des siècles. Peu leur importe, à ces humbles pèlerins, que les paysages des scènes de l’Evangile soient peints d’après nature ; que le préraphaélitisme anglais ait greffé, quelquefois avec bonheur, sa grâce un peu apprêtée sur l’ardente austérité, l’ascétisme implacable des figures gréco-byzantines aux gestes réglés par la tradition, aux trop grands yeux cruels ; que Vasnetsoff et Svedomsky, Nesleroff