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les fils de princes et de boyards comme les autres, dans le jeûne et la prière, les cavernes creusées au bord du Dnieper. Leurs successeurs sont bien revenus de cet ascétisme ; ils n’ont rien sans doute non plus de la belliqueuse énergie des moines-soldats, leurs précurseurs, quoique le couvent soit toujours dans l’enceinte de la citadelle, dont on a restitué la porte curieusement crénelée. Cette porte marque l’entrée du chemin de la Layra, chemin très long, très ombreux, bordé de bazars. Là on ne se borne pas, comme sur les points de pèlerinage en Occident, à vendre des chapelets, des scapulaires ou des médailles. Toutes les industries du pays s’y étalent, colliers de verroterie, broderies, tapis, tissus, poteries, exposés en plein air sous des auvens de bois où circulent acheteurs et marchands.

Mais les boutiques et ce qu’elles contiennent ne tentent point les paysans ; ils réservent leurs copecks laborieusement gagnés à un autre usage. Arrivés devant la porte sainte qui fait face à l’Arsenal, vous les voyez se prosterner une première fois longuement dans la poussière comme s’ils craignaient, étant indignes, de pénétrer sous cette voûte sombre qui précède le paradis. Leurs pauvres visages s’inclinent vers la terre qu’ils baisent avec force signes de croix. C’est ici que les peintres en quête d’inspiration religieuse feront bien de venir étudier l’humilité, la ferveur sur des visages aux types variés comme le sont aussi les costumes. Dès le seuil un moine muni d’une sébile reçoit les offrandes de cette multitude agenouillée. A gauche se trouve le dépôt des objets de piété dont le couvent fait commerce. On est dans la cour plantée d’arbres où passent, accueillant les pèlerins d’un air de froide dignité, les représentans actuels de la haute tradition grecque, superbes dans le sens le plus étendu de ce mot. C’est parmi les moines voués au célibat que se recrutent les arkhiérei (évêques ou archevêques). Les principaux dignitaires du clergé séculier, les archiprêtres eux-mêmes, n’ont rang qu’après les igoumènes, après les prieurs. La direction de l’enseignement, la censure dont il abuse sont entre les mains du clergé noir avec tout le gouvernement de l’Église, réglé par le saint-synode que préside le métropolite de Saint-Pétersbourg, sans autre pouvoir au-dessus du sien que celui du procurateur laïque représentant le Tsar. Seuls les moines ont droit aux amples robes noires sur lesquelles retombe majestueusement lu voile attaché au bonnet en forme de tiare. De là le nom qui les