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que ses mains, — de petites griffes qui semblent avoir gratté la terre, — n’ont pas même été lavées pour la célébration du Saint Sacrifice. Il officie avec précipitation tandis que la liturgie orthodoxe se répand en mélopées plaintives. Le chœur n’est pas mauvais pour un chœur de village, mais la voix des fidèles ne se joint jamais à lui. Ce n’est pas l’usage. De temps à autre, un bras s’avance, muni d’un petit cierge qui, passé de main en main, est finalement planté devant quelqu’une des images de l’iconostase. Je n’aime pas ce culte grec, son formalisme excessif, l’abus des génuflexions, l’encens brûlé outre mesure et qui se mêle à l’odeur des bottes frottées de goudron. Je n’aime pas surtout cette porte close à chaque instant entre l’officiant et le peuple, comme si celui-ci était exclu de la célébration des mystères ; quand elle se rouvre, j’entrevois dans le Saint des Saints un autel sur lequel est posé l’hostie et l’évangéliaire et autour duquel le pope se promène l’encensoir à la main, en secouant sa crinière. Mais il y a un moment admirable, celui de la communion, lorsque tous les enfans, depuis les nouveau-nés jusqu’aux bambins de cinq et six ans, s’avancent conduits par leurs mères en vertu sans doute de la parole du Seigneur : — Laissez venir à moi les petits enfans. — La première communion proprement dite n’existe pas en Russie. Aussitôt après son baptême, le chrétien peut participer au calice ; et on lui donne le pain à sept ans. C’est un touchant spectacle que celui de toutes ces jeunes femmes amenant avec dévotion à la Sainte table de petits enfans déjà recueillis. Seuls, les nourrissons pleurent quelquefois, le vin leur paraît amer ; on leur donne un peu d’eau pour les calmer. A partir de sept ans, les enfans doivent se confesser selon la loi commune. Si l’âge de l’innocence est admis à recevoir chaque dimanche le Sacrement, il n’en est pas de même pour les grandes personnes. Elles ne s’en approchent guère qu’à Pâques après un carême rigoureux d’où le lait, le beurre et les œufs sont exclus. J’ai vu cependant communier un jeune homme et une jeune fille, des fiancés, m’a-t-on dit, qui avaient besoin comme tels de grâces particulières ; j’ai vu aussi un grand vieillard, à figure de cadavre, se traîner vers le prêtre, presque porté par son fils, qui l’entourait de ses bras.

C’était un moribond qui, par respect, voulait recevoir son Dieu pour la dernière fois debout et à l’église. Le prêtre, l’oreille tendue vers lui et un pan de la chasuble posé sur sa tête, parut