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vérifié les cartes de tous les endroits décrits par le poète ; je reste fidèle aux conceptions des Plus Homériques, et je crois que, pour comprendre vraiment l’Odyssée, il faut la replacer dans la série des livres analogues que, de siècle en siècle, de thalassocratie en thalassocratie, les marines méditerranéennes se sont fidèlement transmis, — dans la série des Instructions nautiques, Portulans, Guides des Pilotes ou Miroirs de la mer. Car les marines successives ne se transmettent pas, les unes aux autres, seulement leur onomastique ou leurs mouillages : les nouveaux venus empruntent encore les cartes et renseignemens de leurs prédécesseurs. Toutes les marines actuelles copient leurs Instructions dans les Pilots anglais :


Cet ouvrage, dit l’Avertissement d’un volume de nos Instructions (n° 731), contient la description des côtes occidentales de l’Italie. On s’est servi du Mediterranean Pilot de l’amirauté anglaise, livre en usage à bord des bâtimens de la flotte italienne. Pour les îles de Malte et de Gozzo, on a traduit textuellement les instructions du Mediterranean Pilot, vol. 1, édit. 1885, en les complétant à l’aide des renseignemens publiés depuis cette date par le bureau hydrographique de Londres.


La thalassocratie anglaise répand ainsi les Pilots anglais. Aux siècles précédens, la thalassocratie franque avait vulgarisé les Portulans français : de 1702 à 1830, les marines méditerranéennes copient le Portulan de la mer Méditerranée, de Henry Michelot, ancien pilote hauturier sur les Galères du Roy. Mais avant Michelot, les Français copiaient, dit-il lui-même dans sa préface » les cartes et documens hollandais sans même corriger les fautes les plus choquantes. Les Miroirs des Hollandais avaient copié, à leur tour, les Guides et Navigations des Espagnols ou des Italiens, et ces guides n’étaient eux-mêmes que la copie ou la mise au point des documens anciens de la Grèce et de Rome. Les marines classiques, à leur tour, avaient traduit des périples antérieurs de Carthage, de Tyr, ou d’Egypte. Un périple carthaginois d’Himilcon, traduit d’abord en grec à une époque inconnue, fut mis en vers latins par un poète de la décadence, R. Aviénus. Un autre périple carthaginois d’Hannon ne nous est parvenu que sous sa traduction grecque, et, des marines classiques, il s’est transmis aux marines de la Renaissance, grâce à J.-B. Ramusio, qui, en 1558, ouvre son recueil delle Navigazioni e Viaggi par la navigation de Hannone capitano dei Cartaginesi. Les monumens