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commission municipale. Sur les personnes, dont il n’avait pas même été question entre Morny et moi, il était tout à fait tranchant : Rouher renvoyé au Conseil d’Etat, Fould et Haussmann exclus, Thouvenel mis aux Affaires étrangères, moi à l’Intérieur ; Walewski à la présidence du Sénat à la place de Troplong ; Girardin préfet de la Seine, le jeune Pietri préfet de police, Darimon conseiller d’Etat ; Guéroult quelque chose, mais on ne savait quoi ; une quarantaine [de préfets destitués. Le tout grossi par une proclamation annonçant que c’était le couronnement de l’édifice. — « Si on fait cela, disait-il, ce sera magnifique. Il y aura entre la nation et le gouvernement une l’une de miel ; sinon, on tombe en dissolution. »

Théoriquement, la plupart de ces idées de réformes me convenaient, mais, pratiquement, je ne crus pas qu’il fût sage de demander à l’Empereur de se débarrasser tout d’un coup du vieux personnel qui le servait avec tant d’intelligence et de dévouement, et pas davantage de réclamer toutes les réformes à la fois. Cet excès de prétentions rebuterait le Souverain et nous priverait du concours très utile de Rouher. Compléter le décret du 24 novembre par l’envoi des ministres à la Chambre, par une loi sur la presse selon le droit commun et une loi sur les réunions, voilà à quoi, selon moi, devait se borner notre effort : si nous l’obtenions, ce serait beaucoup et le reste, avec le temps, suivrait infailliblement.

Je me proposais de prononcer, à l’ouverture de la discussion de l’Adresse, un discours dans lequel je répéterais publiquement, en adjurant l’Empereur de m’écouter, ce que j’avais si souvent répété à Morny. « C’est à ce moment, dis-je au Prince, qu’il faudra m’appuyer auprès de votre cousin. » Cela fut convenu.


VII

Le discours de l’Empereur à l’ouverture de la session avait été très prodigue de promesses de libertés civiles. Il annonçait un certain nombre de projets propres à faciliter la libre expansion de l’initiative individuelle, par une liberté plus grande laissée aux associations et aux sociétés ouvrières ; d’autres destinés à élever la situation intellectuelle du peuple par la diffusion de l’instruction primaire, « car dans le pays du suffrage