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dispositions véritables du pays au sujet de la réforme réclamée par les libéraux et les socialistes. Si le pays veut le suffrage universel intégral, il le dira. Quant à la Chambre, il n’y avait rien à attendre d’elle, surtout dans les conditions où la question lui était posée. Les deux partis en présence sont restés absolument irréductibles : ils n’ont ni perdu, ni gagné une voix. A la suite des dernières élections, la majorité, on l’a vu, en avait 86 et l’opposition 64 : la prise en considération de la proposition révisionniste a été repoussée par 84 voix contre 64. Chacun est resté fidèle à son drapeau, comme si la tourmente de ces derniers jours était passée sur un rocher inébranlable.

Mais que fera le roi ? Nous avons dit que tous les partis, même les socialistes, se tournaient de son côté. Il y a des socialistes, en Belgique, qui ne sont pas aussi intransigeans qu’on pourrait le croire, et qui, frappés du bel exemple donné par notre propre ministère, se demandent s’ils ne pourraient pas entrer, comme M. Millerand, dans un cabinet de large concentration. Ils ne repoussent pas absolument cette pensée et ils ménagent le roi. Celui-ci se réserve : il ne peut d’ailleurs prendre aucun parti avant les élections. L’Union syndicale de Bruxelles, qui est une chambre de commerce, lui a envoyé une adresse, le priant d’intervenir dans la situation actuelle pour le grand intérêt du commerce et de l’industrie. Voici la réponse qu’elle a reçue : « Le gouvernement du roi a les yeux fixés sur le présent et sur l’avenir. Fidèle observateur des règles constitutionnelles, il a pour devoir de suivre la politique la plus utile pour le bien et la tranquillité de la patrie. » Le sphinx ne parlait pas autrement, et ce langage n’est pas compromettant ; mais il ne décourage personne, et fait planer la Couronne au-dessus des partis. M. Paul Janson avait terminé dramatiquement son discours en disant : « Ne lancez pas le peuple dans les funestes suggestions de la désespérance ! » On n’accusera pas le roi de l’avoir fait.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.