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n’a pas à tenir compte de la minorité, et que celle-ci, renonçant à reconquérir légalement la situation qu’elle a perdue, est tentée d’obéir à de dangereuses suggestions. Il est bon qu’un certain équilibre s’établisse entre les partis, et que la balance ne soit pas complètement renversée au profit de l’un et au détriment de l’autre. Le parti catholique, au milieu de sa victoire, a eu assez de sagesse pour en avoir le sentiment : on assure que le roi l’a eu davantage encore. Quoi qu’il en soit, la réforme de 1899, venant ajouter la représentation proportionnelle au suffrage universel avec le vote plural, a modifié la situation respective des partis, d’une manière déjà heureuse, mais non pas encore assez sensible. Aux élections du mois de mai 1900, les catholiques, qui étaient comme on l’a vu 112, ont été réduits à 86 ; les libéraux et progressistes, qui étaient 12, se sont élevés au nombre de 32 ; ce même chiffre a été atteint par les socialistes et il y a eu enfin 1 démocrate chrétien. Si on fait abstraction de cette dernière quantité, qui est négligeable, la majorité gouvernementale n’était plus que de 86 voix, et la minorité opposante était de 64. On verra dans un moment que ces chiffres se sont conservés intégralement dans les derniers votes. Mais il y avait pour l’opposition un progrès notable, et en somme, l’avenir ne lui était plus tout à fait fermé.

Cependant, elle s’est mis en tête d’obtenir le suffrage universel pur et simple, par la suppression du vote plural. Les socialistes demandaient même que le droit de vote fût étendu aux femmes ; mais ils n’ont pas été suivis jusque-là par les libéraux, et eux-mêmes ont consenti sans trop de peine à ajourner la réalisation d’une réforme qui aurait pu leur donner une satisfaction théorique, mais qui, en fait, n’aurait profité qu’à leurs adversaires. Les femmes, en Belgique comme ailleurs, obéissent plus que les hommes aux influences religieuses, et il n’est pas douteux que leur accès à la vie politique affirmerait pour un temps indéterminé le pouvoir entre les mains des catholiques. On a donc reconnu que les femmes pouvaient attendre ; en revanche, on a décidé de poursuivre la suppression immédiate du vote plural. Nous ne sommes pas sûrs du tout que cette réforme profiterait autant qu’ils l’espèrent aux partis libéral et socialiste ; mais leur imagination s’est enflammée pour elle, et ils ont entamé une campagne extrêmement ardente en vue de la réaliser. Le suffrage plural, il faut bien l’avouer, n’a jamais été populaire. Nous l’avons eu en France, sous la Restauration : il s’appelait alors le double vote, et il a excité au plus haut degré les colères des libéraux de cette époque. Cela vient de ce que le vote plural ne profite qu’à une