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parti progressiste : nous n’avons chez lui aucun accident électoral à déplorer.

Les résultats encore incomplets des élections générales se présentent donc avec les caractères suivans. L’opposition de Paris, qui s’était déjà manifestée si ardente au moment des élections municipales, s’est encore accentuée. En province, l’armée ministérielle a reculé au lieu d’avancer. Quelques-uns de ses chefs sont mis hors de combat ou restent en souffrance un peu éclopés sur le champ de bataille : l’armée libérale, au contraire,, a conservé tous les siens. Pour ce qui est de la République, elle n’a jamais paru plus forte, n’ayant été attaquée nulle part : il sera de plus en plus difficile au ministère de continuer la comédie de défense républicaine. Voilà le bilan de la journée du 27 avril, présenté sans prévention d’aucune sorte et avec le seul souci de le donner exactement, en attendant que les élections de ballottage nous permettent de l’établir définitivement.


On vient de voir le suffrage universel fonctionner en France au milieu d’un calme parfait ; et cependant nous ne donnons pas son organisation comme un modèle auquel il n’y a aucune retouche à faire. Le plus grand argument en faveur du suffrage universel tel que nous le pratiquons est que, si on peut désirer mieux, on ne peut pas demander plus. Aussi les partis ne demandent-ils rien, et, depuis plus d’un demi-siècle, il n’y a pas eu chez nous de question de réforme électorale. Il n’en est pas de même en Belgique. Nous arrivons un peu tard pour raconter les scènes de désordre, hélas ! sanglantes, qui ont eu lieu à Bruxelles et à Louvain ; tous les journaux en ont été remplis ; mais maintenant que la tempête s’est apaisée, ou du moins qu’elle est tombée, il est intéressant d’en rechercher les causes et d’en tirer quelques enseignemens. De quoi s’agissait-il chez nos voisins ? Est-ce du suffrage universel ? Ils l’ont depuis neuf ans. Tous les Belges âgés de vingt-cinq ans sont électeurs. Le suffrage est donc universel, mais il n’est pas égal pour tous les citoyens : les uns disposent d’un bulletin, les autres de deux, d’autres encore de trois. C’est ce qu’on appelle le vote plural. Il y a là un premier essai d’organisation du suffrage universel ; il y en a un second dans la réforme opérée en 1899 en vue de la représentation des minorités. Tel qu’il est, le système belge n’est pas parfait ; aucun ne l’a jamais été et ne le sera probablement jamais ; il est du moins un des meilleurs qui existent, un des plus dignes d’attention, un des plus justifiables en théorie, et l’expérience qui en est faite est de date encore si récente