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mesure, l’être organisé à l’empire des forces physiques, — et cette conclusion est une forme du néovitalisme contemporain.


Le néovitalisme contemporain a encore revêtu une autre forme plus philosophique que scientifique, par où il se rapproche davantage du vitalisme proprement dit. Nous voulons parler de la tentative récente de M. Reinke[1] en Allemagne. M. Reinke est un botaniste de mérite qui sait distinguer le domaine spéculatif de la science, de son domaine positif et les cultiver l’un et l’autre avec succès.

Ses préoccupations sont analogues à celles de M. A. Gautier, de Chevreul, et de Cl. Bernard lui-même. Il croit, avec ces maîtres, que le mystère de la vie ne réside pas dans la nature des forces qu’elle met en jeu, mais dans la direction qu’elle leur donne. Tous ces penseurs sont frappés de l’ordre, du sens imprimés aux phénomènes qui se déroulent dans l’être vivant, de leur enchaînement, de l’apparente adaptation qu’ils présentent à un but, de l’espèce d’impression qu’ils donnent d’un plan qui s’exécute. Et cette réflexion amène M. Reinke à s’appesantir sur l’idée de « force directrice. »

Les énergies physico-chimiques sont sans doute les seules qui se manifestent dans l’être organisé, mais elles y sont dirigées comme un aveugle l’est par un guide ; il semble qu’un double les accompagnerait à la façon d’une ombre. Ce guide intelligent de la force matérielle aveugle, c’est ce que M. Reinke appelle une dominante. Rien ne ressemble davantage aux blas ou aux archées de van Helmont. Les énergies matérielles seraient ainsi appariées à leurs blas, à leurs dominantes, dans les organismes vivans. Il y aurait donc chez ceux-ci deux catégories de forces : des « forces matérielles » ou, pour mieux dire, des énergies matérielles, obéissant aux lois de l’énergétique universelle ; et, en second lieu, des u forces spirituelles, » intelligentes, les dominantes. Quand le sculpteur modèle la statue, il y a dans chaque coup qui fait sauter un éclat de marbre, autre chose que la force vive du marteau ; il y a la pensée, la volonté de l’artiste qui réalise un plan. Dans une machine, il n’y a pas que des rouages ; il y a derrière eux la finalité que l’auteur y a mise en les agençant pour un but déterminé. Les énergies dépensées

  1. Reinke, Die Welt als That. Berlin, 1899.