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Marc-Aurèle, l’auteur célèbre d’une encyclopédie dont la plus grande partie a été perdue et dont un livre est resté l’oracle et le bréviaire anatomique de tout le moyen âge. Selon lui, la machine humaine était dirigée par trois sortes d’esprits : les esprits animaux, qui président à l’activité du système nerveux ; les esprits vitaux qui gouvernent la plupart des autres fonctions ; et, enfin, les esprits naturels, qui régissent le foie et sont susceptibles de s’incorporer au sang. Au XVIe siècle, avec Paracelse, les esprits de Galien devinrent les esprits olympiques ; ils présidaient encore au fonctionnement des organes, foie, cœur, cerveau ; mais ils existaient aussi dans tous les corps de la nature.

Enfin, la doctrine fut constituée par van Helmont, médecin, chimiste, à la fois expérimentateur et philosophe, esprit pénétrant et fumeux où beaucoup de vérités profondes s’alliaient à des rêveries fantastiques. Répugnant à admettre l’action directe d’un agent immatériel, tel que l’âme, sur la matière inerte, sur le corps, il combla l’abîme qui les séparait en créant toute une hiérarchie de principes immatériels auxquels était dévolu le rôle de médiateurs et d’agens d’exécution. Au sommet de cette hiérarchie était placée l’âme pensante et immortelle : au-dessous, l’âme sensitive et mortelle, ayant pour ministre l’archée principal, l’aura vitalis, sorte d’agent incorporel que l’on peut assimiler au principe vital, et qui siégerait à l’orifice de l’estomac : au-dessous, enfin, des agens subalternes, les blas ou vulcains placés dans chaque organe et en dirigeant le mécanisme avec intelligence, à la façon d’un ouvrier habile.

Ces imaginations chimériques ne sont pourtant pas aussi loin qu’on pourrait le croire de la doctrine des propriétés vitales. Quand nous voyons un muscle se contracter, nous disons que ce phénomène est dû à une propriété vitale, c’est-à-dire sans analogue dans le monde physique, à savoir la contractilité ; le nerf possède de même deux propriétés vitales, l’excitabilité et la conductibilité, que Vulpian proposait de confondre en une seule, la neurilité. Ce ne sont là que de simples appellations, que des noms destinés à abréger le discours. Mais, pour ceux qui croient que c’est quelque chose de réel, ce quelque chose n’est pas bien éloigné des blas de van Helmont, vulcains cachés dans le muscle ou le nerf et se traduisant ici par la contraction, là par la production et la propagation de l’influx nerveux ; c’est-à-dire par des phénomènes dont nous ne connaissons pas encore les