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de l’animal à la plante, nous aurons donné, en un raccourci extrême, une idée de cette sorte de révolution qui s’est accomplie aux environs de l’année 1864, date de l’apparition du livre célèbre, l’Introduction à la médecine expérimentale.


Il semble que les idées que nous venons de rappeler soient d’une évidence qui n’a d’égale que leur simplicité. Ces principes paraissent si bien acquis qu’ils font, en quelque sorte, partie intégrante de la mentalité contemporaine. Quel homme de science, aujourd’hui, oserait délibérément expliquer quelque fait biologique par l’intervention de la force vitale ou de la cause finale, évidemment non efficientes ? Lequel, pour rendre compte de l’inconstance apparente d’un résultat, mettrait en avant le caprice de la nature vivante ? Lequel, encore, contesterait franchement l’utilité de la méthode comparative ?

Ce que les physiologistes d’aujourd’hui, après Claude Bernard, ne feraient plus, ceux d’hier, avant lui, le faisaient : et, non les moindres. Longet, par exemple, en pleine Académie, à propos de la sensibilité récurrente, et Colin (d’Alfort) en communiquant ses résultats statistiques sur la température des deux cœurs, acceptaient, d’une façon plus ou moins explicite l’indétermination des faits vitaux. Et, que parlons-nous de nos prédécesseurs ? Les naturalistes d’aujourd’hui n’agissent pas autrement. Voici que, de nouveau, nous voyons reparaître, dans des explications qui se prétendent scientifiques, le fantôme de la cause finale. On rend compte de tel fait par la nécessité pour l’organisme de se défendre ; de tel autre, par l’obligation où est l’animal à sang chaud de maintenir sa température constante ; on voit des zoologistes expliquer la fécondation, ainsi que le leur reprochait récemment M. Le Dantec, par l’avantage que l’animal retire d’une double lignée ancestrale. Aussi bien pourrait-on dire, comme le fait observer L. Errera, que les inondations du Nil se produisent afin d’apporter la fertilité à l’Egypte.

Il ne faut donc point déprécier le merveilleux travail qui a émancipé la physiologie moderne de la tutelle des vieilles doctrines. Les témoins, qui ont vu s’accomplir cette révolution en ont apprécié l’importance : et, voici ce que disait l’un d’eux, à l’apparition de cet ouvrage, l’Introduction à la médecine expérimentale, qui ne contenait pourtant qu’une partie de la doctrine :

« On n’a rien écrit, disait-il, de plus lumineux, de plus