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l’occasion d’une persécution contre les catholiques, dont le culte était rétabli dans certaines églises des grandes villes. Luxembourg prit des précautions pour prévenir ce désordre : « La piété du Roi, écrit-il[1], fait que Sa Majesté ne sera point fâchée qu’après que ses troupes seront parties l’on ne maltraite point les catholiques. Le moyen pour l’empêcher est de s’assurer de trois ou quatre des principaux ministres, et d’un bourgmestre ou deux, créatures du prince d’Orange, que nous emmènerons en otages, et qui pourront être garans de l’article inséré en faveur des catholiques dans le traité qu’on fera avec la ville d’Utrecht. »

Toutes choses ainsi réglées, le 16 novembre, à neuf heures du matin, le duc donna le signal du départ. Seize mille hommes de l’armée du Roi, avec leurs centaines de canons, les milliers de chariots où s’entassait tout le butin, défilèrent par les rues d’Utrecht, dans un ordre parfait, au son des cloches, des tambours, des trompettes, qui donnaient comme un air de fête à la ville en rumeur[2]. Les magistrats et les notables crurent devoir escorter le général en chef jusqu’à « une lieue hors de l’enceinte ; » et les adieux, de part et d’autre, furent empreints de civilité. Dès que la queue de la colonne eut disparu de l’horizon, les bourgeois en grand nombre accoururent à l’Hôtel de Ville, reprirent leurs piques et leurs habits de guerre, qu’ils y trouvèrent encore ; les capitaines, sur leurs « casaques, » arborèrent l’écharpe orangée[3] ; et tous, petits et grands, artisans, commerçans, catholiques et huguenots, célébrèrent jusqu’au soir par des cris et des réjouissances la libération de leur ville, asservie depuis dix-huit mois au joug pesant de l’étranger. Huit jours plus tard, cinq régimens d’infanterie hollandaise y faisaient leur entrée ; le comte de Horn, leur chef, recevait les clefs de la ville, en prenait possession au nom du prince d’Orange ; et Guillaume, peu après, arrivant à La Haye, y était accueilli par l’enthousiasme populaire, saluant en sa personne le sauveur des Provinces-Unies[4].

Indifférent à ces explosions d’allégresse, Luxembourg poursuivait

  1. 13 novembre 1673. — Archives de la Guerre, t. 380.
  2. Relations véritables des Pays-Bas. — Histoire de la maison de Montmorency, par Désormeaux, etc., etc.
  3. Ibid.
  4. Gazette de 1673. — Lettre de La Haye du 13 décembre.