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harangue, » exposa, en termes confus, que « le silence et l’inaction de M. de Luxembourg » prouvaient assurément « qu’il faisait peu de cas de Naerden ; » que les six bataillons qui composaient la garnison ne pourraient résister longtemps à une si rude épreuve ; et « qu’il valait donc mieux, pour le service du Roi, se résoudre à capituler, et conserver les troupes plutôt que de les perdre avec la place[1]. » Les officiers présens gardèrent presque tous le silence ; quelques-uns pourtant protestèrent ; un très petit nombre approuva ; « tous, sauf un seul, refusèrent de signer. » Mais le gouverneur passa outre. Il fit connaître au prince d’Orange qu’il était prêt à lui rendre la ville, pourvu qu’il eût les honneurs de la guerre, le droit d’emmener ses soldats et ses armes ; « à quoi, dit la Gazette, le prince donna d’autant plus volontiers les mains qu’il avait peine à se persuader un tel succès[2]. »

Le lendemain, en effet, à dix heures du matin, les bataillons français, tête basse et la rougeur au front, évacuaient la ville de Naerden. Seul du Pas semblait à son aise, prenait « l’air assuré » que donne une bonne conscience. En défilant devant le stathouder, « il le salua, lui fit un compliment des plus civils, et lui dit qu’il avait eu des raisons de se rendre si promptement qu’il ne pouvait déclarer qu’au Roi son maître[3]. » — « La place n’est point endommagée, dit la gazette flamande qui nous donne ces derniers détails ; S. A. le prince d’Orange y a fait son entrée ; et le magistrat et la bourgeoisie lui ont fait un accueil extraordinaire, témoignant toute la joie possible de se voir délivrés des Français. » Joie d’autant plus ardente qu’elle était plus inespérée. Les Hollandais, tous les premiers, n’en pouvaient revenir. Quinze jours après, M. de Westertoth, un des lieutenans du prince d’Orange, se disait « assuré que, pour s’être rendu en l’état où il était encore, il fallait que du Pas en eût ordre, et que cette décision devait cacher quelque secret dessein. » Il fut par ailleurs établi que, le jour même où le gouverneur de Naerden demandait à capituler, Guillaume, voyant « que le mauvais temps avait entièrement rempli d’eau ses tranchées, » apprenant, d’autre part, l’approche de Luxembourg avec ses escadrons, venait de

  1. Mémoire présenté par du Pas pour sa justification. Bibl. nat., pièce Lb 37 3642.
  2. Gazette de 1673. Correspondance d’Amsterdam.
  3. Relations véritables des Pays-Bas, 15 septembre 1673.