de vous dire, mande confidentiellement Stoppa au prince de Condé[1], qu’on ne peut avoir un plus grand soin ni plus de vigilance qu’il n’en a pour donner ordre partout ; ce que je crains le plus, c’est que la grande fatigue et le grand travail de corps et d’esprit ne le rendent tout à fait malade, et qu’il ne nous manque au besoin. » Voudrait-il d’ailleurs se soigner, qu’il n’en aurait plus le loisir. Les « remuemens » de son adversaire lui mettent bien autre chose en tête. Guillaume, le 5 septembre, avait quitté son quartier général pour marcher vers S’Graveland. Son armée, renforcée par les garnisons des villes fortes et les troupes espagnoles, comptait une trentaine de mille hommes : dix mille chevaux et vingt mille hommes de pied[2]. On ignorait encore son réel objectif : « Je ne pense pas, écrivait Luxembourg, qu’il en veuille à Naerden ; cependant ce poste ne serait pas si difficile à prendre qu’on pourrait croire. » Le duc, sur ces nouvelles, avait rassemblé rapidement tout ce qu’il avait pu trouver. Il dut même dégarnir certaines des forteresses, bien qu’« en abandonnant, dit-il, magasins et fourrages pour se concentrer à Utrecht, on s’expose à ne pouvoir y subsister longtemps. » Il expédia sa cavalerie entre Vick et Utrecht, « dans un poste où elle est comme dans une boîte, et d’où je pourrai aisément la faire agir pour incommoder les ennemis dans leurs derrières, s’ils avancent. » Ces dispositions prises, il écrit à Condé pour l’éclairer sur la situation, le conjurer, s’il est possible, de tenter quelque diversion « qui occupe l’ennemi par ailleurs, » l’oblige à diviser ses forces : « Comme nous avons joué quitte ou double pour conserver Utrecht, présentement c’est à vous à faire le reste, et il n’y aurait pas de temps à perdre... A Amsterdam, on fait gageure que les ennemis seront à Utrecht avant qu’il soit quatre jours ; c’est une folie, mais il n’est pas bon que le peuple se puisse nourrir d’une aussi forte opinion que celle-là[3]. »
A l’heure où il achevait ces lignes, une estafette, accourant à toute bride, informait Luxembourg que Naerden était assiégée[4]. Le prince d’Orange, après une feinte dans la direction de Bommel, avait, par un brusque changement, remonté vers le Nord, et jeté son armée sous les murs de l’importante place maritime.