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en arrivent à voter des résolutions violentes : « M. le prince d’Orange, lit-on dans cette même note, a fait délivrer par le pensionnaire Fagel un acte par lequel les États-Généraux s’obligent à ne faire ni paix ni trêve sans le consentement des Espagnols, par où il est aisé de voir qu’il ne songe qu’à ce qui peut rendre la paix impossible. »

Il n’est donc plus d’illusion à se faire ; la reprise de la lutte est désormais inévitable. On le sent à Utrecht autant qu’à Saint-Germain ; et, quand le bailli de Woerden propose à nouveau ses services pour entamer de secrets pourparlers, Luxembourg « refuse de le voir, » et lui fait dire que, s’il sort de sa ville, il sera jeté en prison et sa maison brûlée, ce qui coupe court à son zèle. La campagne effective s’ouvrit au mois de juin. Louis XIV en personne assiégea Maëstricht, la première des places de la Meuse. Quoique vaillamment défendue, après vingt-cinq jours de tranchée, cette belle ville battait la chamade. La nouvelle de ce grand succès parvint le jour même à Utrecht ; Luxembourg, en bon courtisan, s’empressa de féliciter le Roi et son ministre. Quelque chagrin pourtant perce à travers ses louanges : « Je m’en réjouis comme bon Français, écrit-il à Louvois[1], et prenant la part que je dois à la gloire du Roi ; mais d’un autre côté je suis fâché de n’y en point avoir. Ce n’est pas que je ne craigne les dangers aussi bien que Panurge, ni que je ne m’y ménageasse, si je m’y trouvais, autant que la bienséance et le bien du service le pourraient permettre ; mais j’aurais souhaité passionnément de pouvoir faire quelque chose à la vue du Roi. »

La prise de Maëstricht, s’il n’en put pas revendiquer l’honneur, eut au moins cet effet de lui faire restituer le commandement en chef de l’armée de Hollande. Les grandes puissances s’inquiétaient sérieusement de l’extension de nos conquêtes. De tous côtés, en Espagne, en Autriche, dans les électorats de Mayence et de Trêves, les armemens et les levées se succédaient sans intervalle ; l’heure était proche où les Provinces-Unies allaient voir en action ces alliés longtemps platoniques. Aussi, dès les premiers jours de juillet, le Roi s’apprêtait-il à soutenir le choc attendu. Une partie des troupes de Maëstricht renforça l’armée de Turenne ; l’autre constitua le noyau d’une armée que

  1. 30 juin 1673. — Archives de la Guerre, t. 335.