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nationale. Triste alternative que celle où il s’était mis ! L’esprit antilibéral qui a inspiré la loi sur les associations est purement jacobin. Cette loi donna de plus satisfaction aux tendances antireligieuses qui sont celles de tous nos partis avancés, et même, il faut l’avouer, d’une fraction assez considérable du vieux parti républicain. Il suffit, dans ce pays, de sonner l’hallali contre les congrégations pour trouver de l’écho dans un grand nombre d’esprits, et pour que toute une meute d’aboyeurs prêts à mordre se forme aussitôt. Un gouvernement peut vivre quelque temps de cela. Nous ne sommes pas sûrs que M. Waldeck-Rousseau n’ait pas été débordé par le mouvement qu’il avait déchaîné, et que, par exemple, les propositions faites au Sénat par MM. Béraud et Maxime Lecomte, pour supprimer la liberté de l’enseignement à tous les degrés, n’aient pas dépassé le point où il aurait voulu s’arrêter lui-même. C’est à cela qu’on s’expose quand on excite certaines passions sans les partager. Le devoir du gouvernement de demain sera de retirer ou de laisser tomber dans les oubliettes parlementaires, heureusement si profondes, les projets de loi de M. Millerand, et de combattre avec énergie les diverses propositions qui portent atteinte à la liberté de l’enseignement. Cela suffira pour donner tout de suite une orientation au parlement, pour rassurer nos industries, pour ramener la paix dans les consciences. Mais cela ne se fera pas sans des luttes très violentes, qui ne permettront pas, conformément au vœu de M. Méline, de faire entre les partis une trêve politique. Cette trêve serait pourtant bien désirable et bien utile pour permettre aux Chambres de consacrer leurs soins au rétablissement d’un équilibre sincère dans le budget. On peut contester le chiffre de notre déficit, mais non pas le déficit lui-même. Des économies sérieuses le diminueront ; elles ne suffiraient pas pour le faire disparaître, à moins qu’on ne parvînt, soit en corrigeant certaines lois que la dernière Chambre a mal faites, la loi sur les boissons par exemple, soit en ramenant dans les esprits la confiance qui en est sortie, à augmenter sensiblement les plus-values de nos recettes. Une Chambre qui aurait accompli cette œuvre nécessaire, que la précédente législature a rendue difficile, aurait bien mérité du pays.

Mais notre vœu sera-t-il réalisé plus que tant d’autres ? L’heure actuelle est obscure et incertaine. Les violences brutales, qui tendent de plus en plus à en faire les saturnales des temps modernes, ont éloigné des élections un grand nombre d’honnêtes gens : il ne faut qu’en savoir plus de gré à ceux qui n’hésitent pas à entrer dans