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qui avait remplacé Bentivoglio, écrivait encore, le 4 novembre 1621 : « Si l’on considère les sentimens particuliers du connétable, il ne veut certainement pas que l’évêque de Luçon ait le chapeau… J’ai vu que le connétable ne se soucie pas, au fond, de l’évêque de Luçon ; mais il désire que personne ne puisse découvrir le fond de sa pensée. Il m’a dit qu’il désire plutôt être agréable à Votre Illustrissime Seigneurie qu’à Luçon et nous sommes convenus ensemble que vous, lui, Modène et moi, serions seuls au courant de l’affaire. »

Quant à la situation même du favori, elle était bien changée. Les événemens avaient réalisé les prévisions de l’évêque. Son assurance grandissante venait de la joie contenue qu’il éprouvait, au fur et à mesure qu’il recevait de Marillac, resté auprès du Roi, les nouvelles de ce qui se passait dans le Midi.

Tandis que le Roi, quittant les provinces où l’autorité royale était respectée, s’avançait vers les régions où la cause protestante était en force, il se rendait compte, à la fois, de la difficulté de l’entreprise et de l’imprudence de ceux qui l’avaient décidée sans la préparer. L’argent manquait. Les 800 000 écus votés par l’assemblée du clergé n’étaient qu’une goutte d’eau. L’armée se constituait lentement ; elle n’atteignit jamais la moitié du nombre d’hommes que l’on avait prévu. Le commandement exercé par un courtisan qui portait le titre de connétable, mais qui n’était qu’un militaire dérisoire, manquait d’autorité et de suite. On allait devant soi, comme pour une promenade, qui devenait de plus en plus pénible. Tantôt on parlait d’attaquer La Rochelle, tantôt de se porter sur Montauban.

L’armée royale avait, devant elle, des adversaires autrement redoutables. Rohan jouait une partie décisive. Ayant pris la responsabilité de la rupture, il assumait celle du succès. Auprès de lui, La Force, soldat expérimenté et vieilli sous le harnais, jouait sa dernière carte et prétendait réparer les fautes commises dans l’affaire du Béarn. Ses enfans et ses gendres, Castelnaut, d’Orval, Montpouillan faisaient comme une couronne de jeunesse autour du vieil athlète des guerres de religion. Un autre ami de Henri IV, le duc de Sully, qui ne devait jamais se consoler de sa chute, riche et maître de quelques places très fortes, songeait, paraît-il, à profiter des circonstances pour se tailler une principauté indépendante dans la région.

C’étaient là des noms considérables. Mais surtout l’armée