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Telle est du moins l’affirmation des spécialistes, mais suivant M. Paschkis il faut en rabattre ; ses expériences, pratiquées sur des cheveux de mort, ne lui ont donné qu’une teinte brun grisâtre foncé qui, par exemple, imite très bien la nature. Le procédé doit être renouvelé tous les mois et il est assez long à appliquer (une demi-heure d’après le même auteur) ; enfin, avec un opérateur malhabile ou malheureux, des accidens, point fâcheux, mais parfaitement ridicules pour le patient, peuvent survenir. Tel vieux beau qui souhaitait colorer en noir sa moustache blanche n’a réussi qu’à obtenir une nuance lie de vin ; du moins lui reste-t-il la ressource de se raser la lèvre. Mais que dirait une femme sur le retour dont les cheveux, au lieu d’adopter la belle couleur marron désirée, deviendraient bleu violacé ? Force est alors à la victime de dissimuler ses cheveux et de se condamner à garder la chambre en prétextant une indisposition subite, et ce déboire a dû survenir plus d’une fois. Nous disons bien « en prétextant » car, à part le risque de manquer l’opération, l’inconvénient de tacher en jaune rougeâtre la peau de la tête, le désavantage d’une odeur que tout le monde n’apprécie pas, l’emploi du henné n’offre aucun danger pour la santé, et favorise même, à ce qu’on dit, la croissance des cheveux. De plus, la même drogue ne coûte pas cher et se conserve indéfiniment sans perdre sa puissance tinctoriale, au rebours de l’indigo, plus altérable.

L’usage du henné remonte à l’antiquité la plus reculée ; celui du brou de noix verte pour teindre en noir les cheveux se pratiquait du temps des Romains, et les principes chimiques spéciaux aux deux agens colorans se rattachent au même groupe. Naguère, aux Etats-Unis, le brou de noix a servi à grimer les quarterons fuyant l’esclavage ; il peut aujourd’hui rendre le même service aux filons qui veulent dépister les agens. Voici une autre manière de changer le signalement : pour qui préfère adopter le blond fade spécial aux perruques de théâtre, s’offre la teinture alcoolique de curcuma. Un simple lavage à l’eau élimine cette nuance factice, circonstance aussi utile au repris de justice après qu’il a réussi à tromper la police, qu’au gendarme chargé de confondre un malfaiteur déjà arrêté et se prétendant victime d’une erreur.

Comme tous les livres d’hygiène et tous les ouvrages relatifs aux cosmétiques répètent bien haut et avec juste raison que les