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faire exclure de l’objet de l’enquête, et puis, là comme ailleurs, les grandes commissions ne sont-elles pas plus aptes à enterrer les questions qu’à les résoudre ? Tout cela n’ouvre pas grand espoir pour l’avenir, et c’est dommage, car, si l’Irlande n’obtient pas satisfaction du gouvernement conservateur, elle l’obtiendra bien moins encore d’un gouvernement ultérieur, libéral ou avancé, lequel s’appuierait précisément sur les adversaires déclarés du projet, les radicaux et les dissenters. Faut-il donc croire que le peuple anglais se refuse à jamais à doter l’Irlande d’un de ces foyers intellectuels dont il est lui-même si largement pourvu, et que l’Irlande ne doive jamais rien attendre sur ce point que de l’initiative individuelle, de la générosité éclairée de quelques gens de cœur, au premier rang desquels il faut citer Mrs J. R. Green, veuve de l’illustre historien, et qui se proposent de fonder des bourses pour envoyer chaque année dans nos universités françaises un certain nombre de jeunes Irlandais avides d’instruction ?


V

La cause du haut enseignement en Irlande est d’autant plus intéressante, et plus pressante, que la renaissance gaélique a provoqué dans tout le pays, — ou plutôt qu’il s’est produit dans tout le pays, parallèlement à la renaissance gaélique et sous l’influence des mêmes causes, — un remarquable éveil des aspira-lions et des forces intellectuelles de l’individu, et que nous assistons aujourd’hui en Irlande aux premières manifestations d’un vrai et grand mouvement littéraire : un mouvement qui procède, et témoigne, comme la renaissance du langage, des efforts faits par la nation pour reconquérir son indépendance mentale et morale, et dont le succès est d’ailleurs nécessaire pour assurer celui de la renaissance du langage, car il est évident que celle-ci ne pourrait réussir, si elle n’était soutenue d’en haut et comme vivifiée sans cesse par le contact d’une littérature nationale. Certes, il faudrait se garder à l’heure actuelle d’exagérer les résultats qu’on peut attendre dans l’avenir de cette renaissance intellectuelle de l’Irlande ; mais il est nécessaire, — et suffisant, — de marquer les résultats qu’elle a d’ores et déjà donnés, et que nous avons par conséquent sous les yeux.

C’est par un retour aux sources de la vieille littérature