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n’oublie pas ici que l’Irlande a l’honneur de posséder sur son sol Trinity College, et, s’il est permis de regretter l’attitude prise dans la question de la renaissance gaélique par quelques-uns des représentans les plus autorisés de la vieille Université des Tudors, il n’est personne qui ne rende hommage à la richesse scientifique et littéraire de ce grand centre académique qu’ont illustré tant de noms fameux, ceux de Burke, de Grattan, de Th. Moore, et qu’illustrent encore ceux du premier historien vivant de l’Angleterre, W. H. Lecky, et de son premier philologue, Whitley Stokes. Mais, pour un Irlandais, cette et catholique, qu’est-ce aujourd’hui que Trinity College ? Un établissement étranger, importé par l’Angleterre pour l’usage de la « garnison » anglaise et restant fait exclusivement pour le service de cette garnison ; anti-irlandais par nature, hostile non seulement à la littérature celtique, comme l’ont montré les déclarations de MM. Atkinson et Mahaffy, mais à la race et à l’esprit celtique, — le professeur Fitzgerald allait jusqu’à affirmer qu’avant Cromwell les Irlandais n’étaient qu’une peuplade de sauvages tout nus ; — possédant d’admirables manuscrits gaéliques, mais n’ayant rien fait pour les publier et laissant aux savans allemands et français la primeur des études de philologie irlandaise[1] ; ouvert théoriquement aux « papistes, » à peu près comme leur sont ouvertes aujourd’hui les vieilles cathédrales que leur a prises la Réforme, mais nettement protestant dans son esprit et son enseignement, quelles que puissent être les illusions de ses représentans sur cette question de la neutralité confessionnelle. Faut-il donc s’étonner que, comme centre d’enseignement, il soit si peu fréquenté par la jeunesse restée fidèle à la foi politique et religieuse de la vieille Erin ? D’autre part, voudra-t-on compter comme centres d’instruction supérieure les deux Queen’s Colleges de Cork et de Galway, fondés par Hubert Peel en 1845, — le troisième, celui de Belfast, étant réservé en fait aux étudians presbytériens de l’Ulster, — institutions de niveau assez médiocre, végétant péniblement faute de ressources, et que leur caractère irréligieux a privés de la confiance du clergé

  1. Il y a, à dire vrai, une chaire de langue irlandaise à Trinity College, mais cette chaire a été fondée dans une vue de prosélytisme protestant par la « Société irlandaise pour l’éducation évangélique des Irlandais par l’intermédiaire de leur langue nationale. « Les titulaires de la chaire d’irlandais de Trinity College ont toujours été des membres de cette Société.