Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/787

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

membre du board de l’enseignement secondaire, — nomination que toute l’Irlande nationaliste a ressentie comme une injure personnelle, — ce board, sans oser rayer franchement l’irlandais du programme des collèges, l’a placé dans des conditions éminemment défavorables au point de vue « valeur, » de manière à en écarter la jeunesse ; ajoutons qu’en même temps on favorisait l’allemand aux dépens du français aux examens, ce qui eut le don d’agacer particulièrement les Irlandais, mécontens de cette tentative faite, disent-ils, pour les « teutoniser. » Voilà donc, par un illogisme étrange, l’irlandais en faveur à l’école primaire et en défaveur au collège secondaire : comprenne qui pourra ! — Mais tout n’est pas dit, et la question la plus grave reste encore en suspens : c’est la question de l’enseignement primaire dans les comtés de l’Ouest de l’Irlande, où le peuple parle encore irlandais et où l’enseignement est encore aujourd’hui donné en anglais, non qu’il soit interdit à l’instituteur de faire usage de l’irlandais dans ses leçons, mais par le fait que neuf fois sur dix l’instituteur ignore cette langue. Ce qu’on réclame, avec autant d’énergie que de raison, c’est que l’enseignement dans ces districts soit rendu « bilingue, » c’est-à-dire que, sans en exclure l’anglais, on garde l’irlandais dans les programmes et que l’instituteur soit mis en demeure de s’en servir comme d’un moyen terme pour faire sa classe, pour enseigner l’anglais et le reste aux enfans. Le régime actuel est un scandale, dit-on, car c’est un scandale que d’éduquer des enfans dans une langue qui pour eux est une langue étrangère. Voyez les figures moroses et figées de ces gamins en classe : ils ne comprennent pas ce qu’on leur dit, le mot anglais prononcé par le maître n’éveille dans leur petite tête aucune idée nette ; immobiles sur leur banc, ils n’apprennent rien, et n’ouvrent pas la bouche. Deux ou trois ans après leur sortie de l’école, ils ne sauront plus lire ni écrire ! Ce régime ne fait que des illettrés. Et voilà ce que là-bas on appelle éducation ! Tous les gens compétens sont d’accord pour condamner le système, sans en excepter le secrétaire en chef pour l’Irlande, M. Wyndham, qui, le 22 mai 1901, soutenait et faisait voter sans opposition à la Chambre des communes une motion en faveur du régime « bilingue » dans les écoles de l’Ouest irlandais, convenant lui-même, avec son habituelle bonne grâce, de la nécessité d’élargir et d’éclairer par ce moyen l’esprit de l’enfant. N’empêche qu’on ne peut obtenir du board qu’il rende ce régime