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et de 34 millions et demi d’après le chiffre du ministre des Finances. Aux yeux du leader du groupe colonial, cela n’est pas payer trop cher la mise en valeur assurée de notre immense et précieux domaine, qui aura bien vite fait de compenser au centuple ce manque à gagner par une multitude de rentrées indirectes[1].

Les exemples probans abondent à l’appui de cette thèse ; nous n’en citerons qu’un seul : celui du thé de l’Annam ; encouragé par le prodigieux succès du thé de Ceylan, où l’on n’en faisait pas une feuille il y a vingt-cinq ans, et qui en exporte plus de 90 millions de kilos. L’Annam s’est mis activement à cette culture, qui a si bien réussi que, dans l’espace de trois ans, la production s’est élevée de dix mille à cent cinquante mille kilos. Qu’on lui ouvre le débouché continental et le profit sera immense avant peu.

Observons, en effet, ce qui se passe pour le riz, qui n’est soumis à aucune taxe ; d’après un rapport au Conseil du Commerce extérieur par M. Charles Lemire, ancien résident au Tonkin, l’importation annuelle du riz d’origine française s’est élevée en peu d’années de deux mille à quatre-vingt-dix mille tonnes, faisant baisser les prix d’un quart au profit de nos consommateurs et au seul détriment des producteurs étrangers, dont le centre le plus important est la Lombardie. M. Lemire estime, en outre, que le transport du riz de l’Indo-Chine est appelé à favoriser dans une large mesure notre marine de commerce en lui offrant le fret de retour, complément nécessaire d’une entreprise maritime avantageuse.

Nous ajouterons qu’au point de vue social, le développement de la consommation du riz dans les classes populaires présente un intérêt de premier ordre ; parmi toutes les denrées vivrières,

  1. « Si le ministre des Finances a peur du déficit, dit M. Chailley-Bert, il peut combler ce déficit sans chercher ailleurs que dans le budget même des Colonies. Les colonies, dans leur ensemble, doivent, aux termes du budget de 1901, fournir à la métropole un contingent au total de 11 millions de francs (exactement 10 947 881 fr.) ; la métropole leur donne des subventions qui, au total, s’élèvent à 8 millions et demi. (exactement 8 621 500 fr.) ; soit dit en passant, les colonies donnent, à ce compte, 2 336 381 fr. de plus qu’elles ne reçoivent, ce qui devrait rendre le ministre indulgent pour le déficit entrevu de 3 500 000 francs. S’il trouve cependant que les subventions des colonies sont trop élevées, qu’il les réduise encore : il n’est pas un véritable ami des colonies qui s’y oppose ; il vaut mieux que les colonies soient réduites à se priver ou à s’imposer extraordinairement et que le grand principe d’égalité économique entre elles et la métropole soit enfin reconnu et sanctionné. »