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système analogue à Madagascar, où la main-d’œuvre est insuffisante pour l’agriculture et surtout pour l’exploitation aurifère, a donné lieu à des abus qui ont amené le gouvernement local à y renoncer ; c’est regrettable à plus d’un titre et il serait à désirer qu’on en trouvât l’équivalent avec des garanties plus sérieuses[1].

D’une façon ou d’une autre, il faut à tout prix tirer l’indigène de la béatitude au sein de laquelle il demeurerait éternellement immobilisé si l’on ne devait compter que sur son initiative ; tel est l’objectif préliminaire de l’entreprise coloniale, dont la réalisation comporte ces trois termes essentiels : multiplier les produits des colonies, assurer leur circulation par des voies de communication et faciliter leur pénétration en France par l’abolition de droits d’entrée qui exercent à leur égard une action véritablement prohibitive, en les frustrant de la marge de bénéfices indispensable à toute entreprise aléatoire.

Or, l’absorption de ces produits peut seule procurer aux populations coloniales les ressources indispensables pour acquérir les articles variés que l’industrie nationale émet légitimement la prétention de leur vendre.

On ne saurait trop répéter cette vérité, banale, mais si souvent méconnue, — corollaire du sage principe d’économie politique qui interdit de frapper la richesse en formation.


II

Infiniment moins arbitraire que le vieux pacte colonial, l’amendement législatif de 1892 n’est cependant pas un foedus æquum, selon l’expression de l’homme d’État qui exerce depuis des années l’action, la plus décisive sur notre politique coloniale : « La compensation aux charges que les colonies supportent du fait du

  1. La crise de main-d’œuvre dont se plaignent la plupart des colonies tient dans une certaine mesure à des causes momentanées, dont la plus active est la prodigieuse fièvre de travaux publics qui a éclaté simultanément sur tous les territoires ouverts à la colonisation et qui dévore un personnel illimité, dans le moment même où ces contrées sont en partie dévastées par la guerre, d’où les voici à peine sorties, et par toutes les calamités qui la suivent. La pacification et le développement d’une certaine prospérité agricole doivent normalement avoir pour effet de multiplier la natalité, comme il est permis de l’espérer d’après l’exemple de Java, où la population a sextuplé en trois quarts de siècle.