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son banc, désorienté et affaissé, dans la personne de M. le ministre de l’Instruction publique. Il aurait fallu la férule de M. Waldeck-Rousseau lui-même, et il était retenu chez lui par les suites d’un accident de voiture. La Chambre s’est donc livrée à une véritable débauche d’amnisties. Mais, lorsqu’elle s’est trouvée en présence du monstre qu’elle venait d’enfanter, elle a été prise d’une sorte de pudeur qui l’a empêchée de le reconnaître, et, après avoir successivement voté tous les articles de la loi, elle en a repoussé l’ensemble. Voilà comment une séance a été perdue après tant d’autres. Les séances complètement perdues sont d’ailleurs les plus inoffensives ; mais de quel désarroi mental ne nous apportent-elles pas le témoignage ! Ces velléités dans tous les sens, bientôt accompagnées de repentir ; ces initiatives hardies, subitement paralysées par la crainte du ridicule ; ces poussées violentes, que rien ne semble pouvoir arrêter, mais qui s’arrêtent d’elles-mêmes et sont bientôt suivies d’un recul ; tout cela montre le gouvernement parlementaire sous un jour peu flatteur. On se demande s’il survivrait à beaucoup de crises de ce genre, et s’il ne faut pas tout faire pour lui en épargner le retour trop fréquent.

À ce point de vue, le vote de la Chambre, d’après lequel les assemblées de l’avenir auraient un mandat législatif de six ans au lieu de quatre, aurait mérité d’être mieux accueilli qu’il ne l’a été par l’opinion. Beaucoup de publicistes avaient déjà soutenu qu’une durée de quatre ans était insuffisante pour une législature ; que la première année était perdue, parce que la Chambre en avait besoin pour vérifier ses pouvoirs, se reconnaître et se constituer ; que la dernière l’était encore plus sûrement, parce que le voisinage des élections produisait les effets dont nous sommes en ce moment même les spectateurs attristés ; et que, dès lors, il ne restait plus que deux ans pour le travail utile. Nous croyons qu’ils n’avaient pas tort. On dit, il est vrai, que, si la Chambre est mauvaise, il est dur de la conserver six ans ; mais qui oblige à le faire ? Ne peut-on pas la dissoudre ? Le droit de dissolution est inscrit dans nos lois constitutionnelles, ou plutôt il y dort. Il y aurait quelquefois intérêt à pouvoir l’y réveiller et à s’en servir. Deux motifs s’y sont opposés depuis vingt-cinq ans : d’abord le souvenir du Seize-Mai et de la façon maladroite dont on a usé alors du droit de dissolution, ensuite la trop grande brièveté du mandat législatif actuel. Les souvenirs du Seize-Mai sont déjà très atténués, et ils disparaîtront avec la génération qui a été témoin de l’événement. Quant à la brièveté du mandat législatif, c’est à la loi d’y remédier. Évidemment, on ne peut dissoudre une Chambre, avant qu’elle ait duré quatre ans, que