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poétique et la rime doivent sortir comme par accident de l’assemblage, en apparence involontaire, des phrases libres, des paroles courantes… de manière que les vers… semblent en quelque sorte, non pas susciter des impressions nouvelles, mais réveiller des réminiscences. » L’homme qui a conçu un tel dessein avec tant de clairvoyance et qui l’a exécuté avec tant d’ampleur dans l’ensemble et tant de scrupuleuse rigueur dans les détails me paraît mériter une place très haute parmi les écrivains de tous pays que notre intelligence sympathique accueille aujourd’hui d’une hospitalité si large. Quand on songe, en outre, qu’il était d’âme plutôt romantique, qu’il conserva toute sa vie un. goût secret pour les épanchemens personnels, qu’ainsi il entreprit et poursuivit son travail d’observateur minutieux, au milieu et au plus fort de la période romantique, en dépit de la mode littéraire et de ses propres penchans, on ne peut se retenir d’admirer, non seulement avec l’esprit, mais un peu avec le cœur, ce courageux effort de poète, cette abnégation volontaire de réaliste, et l’œuvre considérable qui en résulte et qui en témoigne.


V

De 1828 à 1830, on n’a guère de Belli qu’une douzaine de sonnets. C’est en 1830 qu’il commence vraiment son travail d’écrivain dialectal. Il donne en cette année soixante-dix-huit sonnets, deux cent huit en 1831, trois cent quatre-vingt-deux en 1832, deux cent cinquante-trois en 1833, trois cent soixante-sept en 1834, trois cent vingt-deux en 1835. Sa fécondité et sa facilité sont remarquables surtout pendant ces quatre dernières années. Il écrit ses vers partout, en voiture, en promenade, dans les auberges ; on compte jusqu’à six sonnets par jour (25 novembre 1831) et même huit (1er décembre 1832). Mais, à partir de 1835, la production se ralentit et ne dépasse plus jamais cent sonnets par an. Elle s’arrête brusquement en 1849. L’enthousiasme que son œuvre lui avait inspiré d’abord s’était éteint peu à peu, en même temps que les préoccupations de la vie pratique s’imposaient à lui de nouveau, que la poésie italienne à tendances religieuses et morales le reconquérait, et que les événemens politiques ramenaient son esprit vers les idées dont il avait paru se détacher.

En 1837, Belli était à Pérouse pour voir son fils, qu’il y avait