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fils de Napoléon. » Puis c’est l’Epiphanie, Pascua Bbefania, la fête des fées, les Befane, qui viennent de loin pour punir ou récompenser les enfans, chargées, comme notre saint Nicolas, de jouets ou de verbes. Le 17 janvier, fête de Saint-Antoine, à l’église de ce nom, le prêtre bénit les animaux :


Anes, porcs, moutons, vache et veau
Et chevaux, vont en un troupeau,
Pleins de rubans jaunes, blancs, rouges…


Le 19 mars, les marchands de friture ornent leurs boutiques de sonnets et de petits poèmes en l’honneur de saint Joseph et de leur marchandise. La nuit qui précède l’Ascension, le peuple croit que Jésus descend du ciel pour changer en lait l’eau des épis :


… Notre Seigneur va par les champs hersés
Et dit au blé : « Passez, passez, muscade !
Que l’eau se change en lait, le lait en grain,
Puis en farine, en pâte, et puis en pain… »


Et, cette nuit-là, on allume sur le dos des malheureux grillons de toutes petites chandelles, comme faisait, selon le récit de Vasari, le joyeux peintre Buffalmaco pour effrayer son maître :


… Voilà pourquoi sur le dos des grillons
Nous allumons de petites chandelles
Et nous chantons : Cours, cours, grillon,
Car, demain, c’est l’Ascension !
Curri, curri, bbagarone,
Ché domani è l’Ascennione.


Toute l’année civile et ecclésiastique revit, ainsi chez Belli, avec ses chansons et ses divertissemiens, le retour régulier de ses plaisirs. Parmi les prières des fidèles, les cris joyeux des foules, les réflexions rapides des passans, les rires et les propos hardis des buveurs attablés dans les cabarets, les conversations bruyantes et vides des festins de famille, on la voit déployer sa guirlande de cérémonies religieuses et de fêtes populaires. On la suit d’église en église, de place en place, de marché en marché ; et, comme la scène d’un théâtre immense, sous les yeux du lecteur la Ville s’anime du temps disparu. Car, si le décor n’a pas changé, si le peuple même, au moins dans certains quartiers reculés,