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par des prêtres. Il s’y montra intelligent et laborieux, mais indiscipliné et turbulent. Les punitions, surtout les punitions corporelles en usage, lui étaient insupportables. Il s’apprivoisa cependant ; traité avec plus de mansuétude, il devint, dit son biographe[1], « doux comme un agneau. » En 1807, sa mère mourut, et les trois orphelins, recueillis par un oncle et une tante, payèrent en humiliations de toutes sortes le pain qu’on leur donnait. La nature nerveuse de Belli en pâtit cruellement. Par bonheur il fut bientôt placé, avec son frère, dans un bureau de comptabilité, et, grâce au secours que Giuseppe recevait de l’archevêque, puis cardinal Anton-Maria Odescalchi, ils ne tardèrent pas à être tous deux en mesure de pourvoir à leur entretien. C’était l’émancipation après l’esclavage, après tant de tribulations, le repos : ce fut, pour Belli, une période de relâchement complet, une explosion de gaîté qui l’étonnait lui-même. Le billard, les dîners, les spectacles, la comédie de société, les amours légères, occupèrent la meilleure partie de son temps. Il était l’âme de toutes les compagnies joyeuses. « Bien que par nature ami du silence et peu enclin à la joie, — dit-il dans des notes autobiographiques, — je savais être néanmoins, à l’occasion, loquace et gai, surtout lorsque je pouvais donner carrière à mon goût pour le sarcasme et la raillerie. » Mais, en 1810, il perd son emploi et retombe dans la misère. Secrétaire du prince Stanislas Poniatowski, la place ne convient pas à son indépendance, et il la quitte en 1813. Il finit par obtenir, grâce au P. Lodovico Micara, depuis cardinal, une chambre dans le couvent des capucins. Il s’efforce alors de vivre et de s’instruire. Il donne des leçons de géographie et d’arithmétique, il s’emploie comme copiste. Il sait le français, qu’il écrit en prose et en vers ; il apprend l’anglais ; il suit des cours de physique, de mathématiques et de chimie ; il étudie la géographie ; il s’intéresse à tout. Mais sa passion est pour la poésie, et c’est en qualité de poète qu’il commence à se faire connaître.

Ses premiers vers datent de 1807. Sous l’impression de toutes ses souffrances et du malheur qui venait de le frapper, il lisait alors la Bible, Ossian traduit par Cesarotti, Les Nuits d’Young ; il paraphrasait les psaumes ; il écrivait La Bataille celtique, Bajazet Ier, et des Lamentations en huit chants, où il déplorait

  1. M. Domenico Gnoli, Nuova Antologia, décembre 1877.