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Tel est, dans ses grandes lignes, le système de Van den Bosch, auquel on peut reprocher, avec M. Camille. Guy, la spoliation du cultivateur, toisé au prix du marché, selon une pratique analogue à celle qu’acceptent chez nous les producteurs de tabac. Toujours est-il que, grâce à la réalisation d’un admirable plan d’ensemble, qui comportait un vaste réseau de chemins de fer, de voies navigables et de canaux d’irrigation, le gouvernement néerlandais est parvenu à réaliser un bénéfice annuel qui a dépassé parfois 50 millions de francs[1].

C’est surtout par sa façon autoritaire de régler la question de la main-d’œuvre, — si étroitement liée à la propriété du sol, — que la Hollande a obtenu de son domaine un rendement incomparable. Le gouvernement s’est purement et simplement substitué aux princes insulaires, qui étaient avant lui les seuls maîtres des terres, et, comme eux, il a eu recours à la corvée. « Il a seulement réduit le chiffre des journées de corvées, mais, comme auparavant, le corvéable ne reçoit pas de salaire, observe M. Jules Leclercq dans un rapport au Congrès international de Bruxelles. Ainsi que l’Espagne, la Hollande a considéré comme résolu le problème, agité encore aujourd’hui en France, de savoir qui, de la métropole ou de la colonie, est le véritable propriétaire du sol ? Comme l’Espagne, elle a décrété que les produits appartiennent, à l’État, ou à ses cessionnaires, et que les indigènes doivent aux nouveaux possesseurs leur travail et leurs bras. Seulement, tandis que l’Espagne, abusant du droit qu’elle s’est arrogé, condamne les indigènes à un travail forcé et gratuit qui a eu pour conséquence la dépopulation et la révolte, la Hollande a conçu une sorte d’association, en proportion minime, il est vrai, mais qui a suffi pour déterminer une longue prospérité et le prodigieux accroissement de population qui, pour Java seulement, s’est traduit par une augmentation de 21 millions d’habitans en ce siècle, 25 millions au lieu de 3 millions et demi.

La Grande-Bretagne, sévèrement avertie au siècle dernier, sur les inconvéniens du despotisme métropolitain, n’a du système

  1. Les profits ont même été assez grands pour déterminer un véritable soulèvement des colons, impatiens de voir l’État absorber presque la totalité d’un bénéfice, dont une bonne part leur revenait légitimement, et leurs revendications ont abouti, sinon à l’abandon complet, du moins à la transformation radicale du système qui avait donné aux colonies hollandaises leur vitalité première.