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leur donne les premières notions de propreté ; là, on veille à ce qu’ils se lavent les mains et se débarrassent de leur vermine ; mais ceux-ci sont encore trop petits pour aller à l’école. Du plus loin qu’ils nous aperçoivent, ils font la seule chose que la mère leur ait appris : des saints comiques jusqu’à terre et quelquefois, embrouillant ce témoignage de respect avec la prière, un grand signe de croix. Autour de la maison, des hangars, plus ou moins nombreux, selon le plus ou moins d’aisance de l’habitant, abritent le bétail, les charrettes, le combustible : des mottes de terre mélangée de fumier.

La première maison où nous pénétrons se compose d’une étroite entrée, d’une grande chambre percée de deux fenêtres minuscules et garnie tout autour de longs bancs de bois. Le seul meuble, avec la table, est une armoire-étagère peinte, à fleurs, où sont rangées les assiettes. Des découpures de papier, des guirlandes symétriques d’herbes desséchées ornent les murs blanchis à la chaux. Comme partout, les portraits enluminés de l’Empereur et de l’Impératrice auprès des saintes images, quelques-unes anciennes et enfumées, les autres toutes neuves dans des rayons de clinquant.

Au milieu de la chambre un véritable monument, le poêle, qui est aussi le four ; on fait le pain au fond, et par devant la cuisine. Je trouve l’occasion d’admirer les pots qui sont une des industries paysannes de la Petite-Russie. Noirs et de forme antique, ils font penser à la poterie étrusque ou à celle de Pompéi et ne diffèrent de la poterie exhumée des kourganes de la steppe qu’en ce qu’ils ont des anses. Derrière le poêle un réduit sombre renferme le lit frileusement blotti contre la paroi toujours chaude, le lit de toute la famille, c’est-à-dire une sorte de table où le soir on jette des nattes, des coussins, des fourrures selon la saison. Cela forme comme une seconde chambre, la chambre d’hiver et il y en a même une troisième, le réduit où sont relégués les coffres, qui attestent les instincts nomades de la race, de grandes malles en bois plus ou moins travaillé et à coins de métal. On sent qu’au besoin tout ce que renferme la maison serait emballé très vite et chargé sur un chariot. Les vêtemens d’hiver suspendus à des cordes, les peaux de moutons dans leurs sacs, les bottes de toute taille, remplissent ce magasin qui nous est ouvert avec un certain orgueil par la propriétaire du lieu. Elle nous fait remarquer, dans le grenier ouvert auquel