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l'Angleterre. Il a ajouté que, si lord Pauncefote avait rédigé le projet de note, c'était pour empêcher quelque malintentionné de se charger de ce travail. L'effet produit par cet incident n'a nui en aucune façon, on peut le croire, à la manière dont a été reçu le prince Henri.

Il l'a été admirablement, et s'est conduit avec la meilleure grâce possible, prodiguant ses attentions à tout le monde, surtout à la presse; - ou plutôt, nous nous trompons, il les a prodiguées surtout aux enfans du président Roosevelt, qui, étant bon père de famille, ne pouvait qu'en être touché. On reconnaît dans ce procédé la manière de l'empereur Guillaume : pan autre ne s'en serait pas avisé. Le président Roosevelt a un fils et une fille. Son fils a été gravement malade, ce qui a éveillé autour de lui la sympathie universelle, profonde et sincère : mais la maladie de ce jeune homme a été pour l'Allemagne une affaire d'État. Dieu sait combien de fois on a demandé de ses nouvelles à Berlin ! Le prince Henri a été retardé dans son voyage par le mauvais temps; il aurait voulu arriver pour la fête de Washington, et il n'a pu atterrir à New-York que le lendemain. Étant en pleine mer, il a envoyé un télégramme pour en dire ses regrets, mais avant tout, et dès la première ligne, pour exprimer l'espoir que le fils du président allait de mieux en mieux. Le président a une fille, miss Alice Roosevelt : l'empereur Guillaume a voulu qu'elle fût la marraine du yacht impérial le Meteor, construit en Amérique, et au lancement duquel le prince Henri devait procéder. Pendant quelques jours, miss Roosevelt a été un personnage important dans l'État. Elle éclipsait un peu son père, mais l'empereur Guillaume connaît l'âme des pères; il a jugé que M. Roosevelt ne lui en saurait pas mauvais gré. Tout le monde a admiré la parfaite élégance avec laquelle miss Alice Roosevelt a brisé une bouteille de vin de Champagne pour baptiser le Meteor, et la dextérité avec laquelle, d'un seul coup d'une hachette d'argent, elle a coupé le câble qui retenait le yacht attaché à la terre. Enfin, tout s'est admirablement passé, et miss Roosevelt a pu en donner l'assurance à l'empereur Guillaume par un télégramme qu'elle lui a envoyé directement. Il n'y a pas de gloire sans revers. On dit maintenant que miss Roosevelt devait assister au couronnement du roi Édouard VII, mais que son père trouve qu'on a fait tout de même un peu trop de publicité autour d'elle : le voyage serait décommandé. C'est dommage, car, à en juger par la quantité de portraits et de photographies que les journaux et les magasins anglais ont répandus de cette jeune personne, on lui aurait certainement fait en Angleterre un accueil comparable à celui que le prince Henri a