Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/477

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce dialogue révèle l’état de nos mœurs politiques, Le parti progressiste veut l’apaisement, qui ne peut se faire que par la liberté : il vient de le dire avec éclat. Nous entendrons beaucoup d’autres discours d’ici à peu de temps : ceux de MM. Ribot et Poincaré auront une influence durable sur la direction de la campagne électorale. Ils ont d’ailleurs le mérite de ne prononcer d’exclusion ni d’interdiction contre personne. Dans l’épreuve qu’il subit, et pour en sortir victorieusement, le pays a besoin du concours de toutes les bonnes volontés.


L’opinion publique, dans le monde entier, a suivi avec intérêt le détail des fêtes qui ont été données en Amérique au prince Henri de Prusse. Le prince Henri est, à travers les continens et les mers, le messager habituel de la politique de son frère, l’empereur Guillaume, et il s’acquitte toujours bien de sa tâche. En Amérique, elle consistait à se montrer aimable et à plaire : la lecture des journaux américains donne à croire qu’il l’a, cette fois, encore, heureusement remplie. Sans diminuer en rien son mérite, on nous permettra de croire que cela était facile, car ses hôtes étaient tout disposés à se laisser charmer. Comment la jeune Amérique n’éprouverait-elle pas une satisfaction très vive à voir l’empressement avec lequel toutes les vieilles nations européennes l’entourent de leurs coquetteries ? Sans doute, elle juge que cela lui est bien dû ; mais enfin on est heureux d’être traité suivant ses mérites, et c’est ce qui lui arrive. Elle est jeune, elle est forte, elle est riche. Sa croissance prodigieusement rapide s’opère sans crise grave. Tout enfin lui réussit, et il faut bien, pour cela, qu’elle ait les qualités les plus sérieuses. Elle les a toujours eues, mais il semble que ces qualités soient devenues plus séduisantes qu’on ne les jugeait autrefois. D’où cela vient-il ? Peut-être de ce que l’Amérique a été victorieuse, et, quoi qu’en pensent les ennemis systématiques de la guerre, c’est toujours par des victoires militaires qu’un peuple acquiert toute sa grandeur et la consacre aux yeux du monde. Il y a eu des guerres encore plus glorieuses que celle de l’Amérique contre la malheureuse Espagne ; il n’y en a pas eu beaucoup de plus fructueuses. Dès le lendemain, l’Amérique, consciente de sa force et même un peu éblouie par elle, a pris tout son essor. Sa puissance industrielle et économique est apparue comme dans une apothéose. Et ce n’est pas elle seule qui porte sur son compte un jugement aussi flatteur ; on se trompe souvent en se jugeant soi-même ; mais le consentement général paraît ratifier la bonne opinion qu’elle a d’elle-même et cela